Banques: la «dénationalisation en marche»
Lauro Veiga Filho *
Alors que l’élection présidentielle se profile pour octobre 2006, le «continuisme» qui a marqué la politique du gouvernement Lula a abouti à accroître la dépendance de l’économie brésilienne face aux grandes banques impérialistes. – Réd.
La participation des banques étrangères dans le marché financier national brésilien a explosé au cours des dernières années, suite à l’ouverture de ce secteur au capital international et à la politique de liquidation des principales banques contrôlées par l’Etat. Jusqu’en 1990, selon le rapport annuel de la Banque des règlements internationaux (BRI) – dont le siège est à Bâle –, les institutions bancaires étrangères contrôlaient à peine 6% du total des actifs bancaires au Brésil. Leur part a augmenté de plus de quatre fois jusqu’à la fin 2004, passant à 27% du total. Ce qui équivaut à une somme de 107 milliards de dollars, soit 18% des richesses produites au Brésil en 2004 (produit interne brut). La BRI fonctionne comme une espèce de «banque centrale des banques centrales». Cette institution définit des paramètres et des critères visant à permettre l’examen de la santé financière du système bancaire à l’échelle planétaire et à établir des normes de sécurité pour les opérations des marchés financiers, cela pour éviter des crises systémiques.
Au Brésil, l’avancée des banques internationales [avant tout des banques impérialistes] a été facilitée par un changement légal adopté par le gouvernement de Fernando Henrique Cardoso et maintenu par l’actuel gouvernement de Lula: la présence des banques internationales est autorisée par un simple décret présidentiel sans que soient consultés le Congrès [Chambre des députés et Sénat] et la société.
L’arrivée de ces banques ne signifie pas nécessairement le développement d’investissements dans un réseau d’agences ou la création de nouvelles richesses au travers de l’offre de crédits visant à financer la croissance de l’économie, par exemple. Comme l’indique la BRI, les groupes bancaires internationaux ont choisi la voie de l’achat de banques existantes – par exemple la banque espagnole Santander a acheté la banque brésilienne Banespa. Dans la majorité des cas, ces investissements aboutissent à la fermeture d’agences et au licenciement d’employés. Toujours selon la BRI, les investissements des banques étrangères sur les marchés «émergents» ont été stimulés par la possibilité d’obtenir des gains toujours plus élevés sur ces nouvelles places. Pour ce qui a trait à la situation brésilienne, un des éléments les plus attractifs est la politique de taux d’intérêt réels [inflation déduite] très hauts qui ont produit des gains record pour les établissements bancaires. Ainsi, les investissements des banques étrangères ont avant tout eu comme objectif le rachat d’établissements existant déjà dans les pays «émergents». Le total des investissements dans ce type de pays, Brésil inclus, a augmenté de 27 fois entre la période 1991-95 et 2001-octobre 2005. Ces investissements ont passé de 2,5 milliards de dollars à 67,5 milliards. Leur croissance a été permanente. Ces rachats représentaient 13% du total des investissements réalisés par le secteur financier entre 1991 et 1995 ; il passe à 28% de 1996 à 2000 pour atteindre 35% de 2001 à octobre 2005.
Les défenseurs de la libre circulation des capitaux saluent ce type d’investissement. Toutefois, le rapport de la BRI souligne deux inconvénients (qu’il nomme «défis»). Tout d’abord, les économies locales – celles du Brésil et d’autres pays émergents – sont beaucoup plus exposées au risque de crises financières et aux changements intervenant sur les marchés financiers internationaux. Ensuite, s’opère un transfert des centres des décisions vers le centre des grandes banques impérialistes.
Ce deuxième «défi» implique que les gouvernements locaux – et le gouvernement brésilien n’échappe pas à cette règle – perdent leur indépendance en ce qui concerne les décisions portant sur le secteur financier. De telles décisions, comme l’explique la BRI, peuvent y compris impliquer la sortie du marché choisi par la banque étrangère – le Brésil par exemple – avec la sortie de capitaux qui accompagne cette mesure. La dépendance des pays dits émergents ne cesse de s’accroître.
* Article publié dans l’hebdomadaire Brasil de Fato, n° 149, 4, 10 janvier 2006.
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