Economie

Bernanke, le patron de la FED

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Sur la crise: une victoire à la Pyrrhus

Alain Bihr

Dix-huit mois après la brutale aggravation de la crise économique mondiale survenue pendant l’été et l’automne 2008, quel bilan pouvons-nous dresser de ce qui s’est passé et ne s’est pas passé depuis lors ? Quelles sont les prévisions alors faites qui se sont réalisées et celles qui ont, au contraire, été infirmées par la séquence des événements auxquels nous avons assisté ? Quels enseignements pouvons-nous et devons-nous en tirer ? Et quelles prévisions peut-on raisonnablement engagées pour l’avenir à court et moyen terme ? Telles sont quelques-unes des questions que se propose d’aborder cet article et auxquelles il ne répondra d’ailleurs qu’en partie.

La crise n’a pas tenu ses promesses

Alors que bon nombre des analystes avaient prévu à l’automne 2008 un enchaînement plus catastrophique de la crise, alors que certains s’étaient même risqués à prédire un prochain effondrement général du capitalisme [1], celui-ci semble sortir une nouvelle fois de la zone des tempêtes sans trop de dommages, sinon pour les exploité·e·s et les dominé·e·s du moins pour lui. Comment l’expliquer ?

Certes, l’économie capitaliste mondiale aura connu au cours des dix-huit derniers mois la plus sévère contraction de son activité depuis la Seconde Guerre mondiale, bien plus ample que celles de 1973-1975 et de 1991-1993, et qui ne peut se comparer qu’à la séquence des années 1930. Sa brutalité transparaît dans les données suivantes. L’an dernier, le PIB a baissé de 2,1 % en France, de 2,8 % aux Etats-Unis, de 4 % dans l’ensemble de la zone euro, de 4,7 % au Royaume-Uni, de 4,8 % en Allemagne, de 5,2% en Italie, de 5,6 % au Japon.

La contraction de la production industrielle a été plus sévère encore: entre le printemps 2008 et le printemps 2009, elle a chuté de 15 % aux Etats-Unis, de 14 % dans l’ensemble de la zone euro, de 20 % en France, de 25 % en Allemagne et même de 35 % au Japon, du fait notamment d’un déstockage massif des entreprises, à la hauteur de la situation de surproduction atteinte à la veille du krach financier ! Entre 2007 et mi 2009, le taux de chômage officiel est passé de 4,6 % à 9,6 % aux Etats-Unis, de 5,4 à 8,1% au Royaume-Uni, de 8,4 à 9,5 % en France, de 7,1 à 9,6 % dans la zone euro, signifiant la destruction de millions d’emplois et de chômeurs en plus grand nombre encore: aux Etats-Unis, c’est l’équivalent de la totalité des emplois créés entre 2003 et 2007 qui a été ainsi détruit depuis lors. Bref, 2009 a toutes les chances de rester dans les annales économiques comme une annus horribilis. Et cependant, on n’aura pas assisté à l’effondrement du système financier (bancaire) et encore moins de l’ensemble de la machine économique souvent prédits, pour s’en réjouir ou s’en effrayer, à la fin 2008. On a bien connu une sévère récession mais pas l’enclenchement d’une spirale dépressive comme celle des années 1930, dans laquelle prix, production, emplois, demande se tirent mutuellement vers le bas en un cercle vicieux continu.

Il faut donc reconnaître, en premier lieu, l’efficacité immédiate des plans massifs de sauvetage du secteur financier  (700 milliards de dollars aux Etats-Unis, 3 000 milliards d’euros en Europe) et des plans non moins massifs de relance économique (825 milliards de dollars aux Etats-Unis, 200 milliards d’euros dans l’Union européenne, 585 milliards d’euro en Chine, 115 milliards d’euros au Japon). Plans par ailleurs soutenus par la réduction par les Banques centrales de leur taux de refinancement [2] (0,25 % pour la Fed [3], 0,5 % pour la Banque d’Angleterre, 1 % pour la Banque centrale européenne) ainsi que par l’achat massif par ces mêmes Banques centrales d’obligations (privées et même publiques), le tout pour fournir aux banques privées les liquidités nécessaires à la poursuite de leurs activités de crédit dans un contexte de contraction du marché interbancaire [4]. Et aussi pour permettre une baisse des taux à long terme sur ce même marché: au cours de 2009, ce sont ainsi 1 440 milliards de dollars qui ont été injectés dans le circuit financier par la seule Fed. Avec cependant pour conséquence de faire exploser les déficits publics qui ont ainsi atteint 1en 2009 3,5 % du PBI aux Etats-Unis, 12,6 % au Royaume-Uni, 12,7 % en Grèce et 12,2 % en Irlande, 9,6 % en Espagne, 8,3 % en France, contre cependant seulement 3,2 % dans la vertueuse Allemagne. Sous la conjonction de ces dépenses supplémentaires et de la contraction des recettes due à la récession économique, la dette publique brute aura bondi, entre 2007 et 2009, de 61,8 à 83,9 % aux Etats-Unis, de 46,9 à 71 % au Royaume-Uni,  de 70,9 à 81,8 % dans la zone euro, de 167,1 à 189, 3 % au Japon, de 73,1à 90 % dans l’ensemble des Etats membres de l’OCDE.

Parmi les prévisions avancées au cours de l’automne 2008, alors que la crise financière commençait à se communiquer à «l’économie réelle» et qui ne se sont pas non plus réalisées, il faut compter, en deuxième lieu, l’absence à peu près totale de toute réaction de quelque ampleur de la part des salarié·e·s et des peuples qui allaient être les victimes de la récession, en termes de destruction d’emploi, de montée du chômage, d’austérité salariale, d’inégalités sociales croissantes, etc. En un mot, la crise économique s’est bien transformée en crise sociale, mais pas en crise politique et encore moins en crise révolutionnaire.

Les raisons en ont été multiples. Le seul fait que la première ait été contenue dans les limites et les formes d’une «simple&raq