Allemagne


La grève des métallos en Allemagne est terminée

 

Version imprimable

 

J.-F. Marquis,16 février 2004

Les patrons avancent

Après deux semaines de débrayages, les négociations entre le syndicat IG Metall et l'organisation patronale Gesamtmetall ont débouché le 12 février 2004 sur un accord dans le Landde Bade-Wurttemberg. Syndicat et patronat recommandent que cet accord soit repris dans tout le pays, ce qui sera donc fait (même si, comme d'habitude, la chose est plus compliquée dans les Länderde l'Est). Ce conflit social est donc terminé (cf. l'article daté du 4 février à ce sujet, sur ce site).

Salaires: le minimum

L'accord conclu porte sur une période de 26 mois, ce qui avantage les employeurs qui peuvent planifier leurs coûts. Le syndicat était favorable à une période d'une année.

L'accord prévoit une augmentation des salaires de 2,2 % dès le 1er mars 2004, et de 2,7 % des le 1er mars 2005. Ces augmentations comprennent chacune 0,7 % d'augmentation découlant d'un accord antérieur à propos de la redéfinition de la structure des salaires (ERA). Les augmentations effectives sont donc de 1,5 % et 2 %. Le patronat «offrait» 1,2 %, IG Metall revendiquait 4 %, le niveau le plus bas depuis des années. Le patronat a donc donné le ton.

Temps de travail: la brèche s'agrandit

Ce sont les employeurs qui ont imposé ce thème dans les négociations, avec une provocation: la possibilité d'augmenter le temps de travail à 40 heures, sans que ces heures supplémentaires (l'horaire hebdomadaire de référence est de 35 heures) ne soient nécessairement payées.

La provocation n'a pas passé le cap. Ce n'était d'ailleurs pas sa fonction. Par contre, elle a permis aux employeurs d'agrandir la brèche vers une flexibilité encore plus énorme en matière de temps de travail et des applications de plus en plus souples du contrat national aux entreprises. Concrètement:

1.Les entreprises qui emploient une forte proportion de personnel qualifié pourront demander jusqu'à 50 % de leur personnel (au lieu de 18 % actuellement) de travailler jusqu'à 40 heures par semaine. L'accord des comités d'entreprise (Betriebsrat) suffira. Les heures supplémentaires sont payées, mais sans supplément pour travail supplémentaire.

2. Dans les autres entreprises, ce quota de personnel travaillant jusqu'à 40 heures par semaine pourra aussi être augmenté, mais avec l'accord du syndicat cette fois-ci. Selon la même procédure, l'accord autorise des coupes dans des primes ou des «paiements spéciaux», donc des réductions de salaire.

3. L'accord prévoit formellement que ces dérogations à l'horaire normal ne doivent pas avoir pour conséquence des suppressions d'emploi. Mais personne n'est dupe.

Triomphe du «Standort Deutschland»

L'exposé des motifs de cet accord doit être cité: «Le but de cet accord est de garantir les places de travail et d'en créer de nouvelles dans le cadre du Standort Deutschland. Cela exige le maintien et l'amélioration de la compétitivité, de la capacité d'innovation et des conditions favorisant l'innovation. Les partenaires contractuels s'engagent en faveur de ces objectifs et s'attellent à la tâche de créer des conditions permettant plus d'emploi en Allemagne.»

Ce texte devrait dessiller les yeux de ceux qui se font des illusions sur les directions du mouvement syndical en Allemagne, comme sur l'enjeu de la lutte de pouvoir entre Jügen Peters et Berthold Huber, qui a secoué l'IG-Metall l'été 2003 (cf. notre article sur ce site du 4 février 2004). Un constat qui n'implique pas une appréciation négative de la capacité de mobilisation des salarié·e·s: les témoignages concernant les débrayages de ce début d'année convergent pour signaler une forte combativité et un profond attachement à la semaine des 35 heures.

Interviewé le 12 février à la radio, le patron de l'IG Metall dans le Land de Bade-Wurttemberg, Jörg Hofman, à la question du journaliste lui demandant: «Mais, lorsque vous dites que les intérêts de l'entreprise doivent être davantage pris en considération par les syndicats, qu'est-ce que cela signifie concrètement ?», répondait ceci: «Cela signifie que les syndicats doivent être davantage impliqués dans les processus de décision à l'intérieur des entreprises, si ces dernières veulent utiliser les opportunités qui se présentent à elles. Je pense que nous devons travailler - et promouvoir l'idée - que nous répondons ensemble, sur la base d'un rapport de confiance, aux défis auxquels les entreprises doivent faire face pour leur avenir, pour leur compétitivité, pour la question de l'emploi.»Bref, un néo-corporatisme redoublé, fait pour ficelé le salariat.

Martin Kannegiesser, président national de l'organisation patronale Gesamtmetall, est satisfait: «Nous avons fait un pas de plus vers notre objectif.»Quant au patron de Südwestmetall, le bras régional de l'organisation patronale, Otmar Zwiebelhofer, il considère que cet accord «constitue un pas important pour un nouveau cheminement commun des partenaires sociaux, qui renforce la compétitivité et les conditions favorables aux investissements pour les entreprises». Il ajoute, pour ceux qui n'avaient pas compris: «IG Metall est resté sur le navire, mais il s'est engagé à ramer dans la même direction que nous.»Voilà qui est clair.

J.-F. Marquis

16 février 2004

Haut de page

Retour


case postale 120, 1000 Lausanne 20
fax +4121 621 89 88