«Le programme nucléaire de la Corée du Nord avance vite»

Par Philippe Régnier.
Introduction A l’Encontre

Au milieu du mois d’août, le Financial Times indiquait que les services américains avaient averti l’administration Trump que «la Corée du Nord avait réussi une percée technologique dans le domaine de la miniaturisation des têtes atomiques pour les fusées». Dimanche 3 septembre 2017, sous la «surveillance» de son «bien aimé leader», Kim Jong-un, les militaires de Corée du Nord complétaient le dispositif en testant une bombe à hydrogène.

Le moment était particulièrement bien choisi. Le président Xi Jinping – qui possède le moyen d’étrangler non seulement Kim Jong-un aux oreilles bien dégagées, mais aussi d’étouffer l’économie nord-coréenne en cessant les livraisons de pétrole – recevait ce dimanche, dans la ville côtière de Xiamen (sud-est), quelques dirigeants d’importance, soit en tant que chef d’Etat effectif, soit en tant que président, plus ou moins instable, de pays émergents à considérer dans le présent comme dans le futur. Il s’agissait de Poutine (Russie), de Modit (Inde), Temer (Brésil) et de Jacob Zuma (Afrique du Sud). La Chine, qui absorbe 90% des exportations nord-coréennes, avait donné un accent particulier à ce 9e sommet des BRICS, qui prendra fin le mardi 5 septembre: valoriser le «libre-échange» face au protectionnisme déclaré – pour l’heure – de l’administration Trump.

Le test atomique a été effectué moins d’une semaine après qu’un missile interbalistique, ayant passé au-dessus du Japon, a atterri près de l’île de Guam, située dans l’ouest du Pacifique et sous contrôle américain. Un essai qui avait suscité une réaction vigoureuse du Conseil de sécurité. Le 3 septembre, Trump n’a pas hésité à tweeter un message des plus chaleureux pour Xi Jinping: «La Corée du Nord est un Etat voyou qui est devenu un grand danger et est de plus en plus gênant pour la Chine, qui a essayé d’aider à sortir de la crise, mais sans succès.» Ce n’est pas exactement un stimulant pour la direction chinoise, à la veille d’un Congrès du PCC et du sommet des BRICS, de recevoir ce genre d’insulte. Et de se trouver présentée comme devant administrer la preuve de sa force de coercition en coupant les transferts de pétrole. Ce qui mettrait la Corée du Nord à genoux et créerait un chaos impulsant des flux de réfugié·e·s en direction de la Chine. La frontière entre les deux pays mesure 1416 kilomètres. La TV chinoise n’a d’ailleurs donné, dimanche soir, qu’une brève nouvelle portant sur le test nucléaire. Elle a mis en relief la réunion des BRICS.

Que Xi Jinping ait eu à l’esprit les déclarations de Trump portant sur «tous les échanges commerciaux»avec «tout pays faisant des affaires avec la Corée du Nord», cela n’est pas impossible, car la Chine – comme indiqué – est la destinataire de 90% des exportations nord-coréennes. Xi Jinping devait aussi avoir en tête deux éléments de cette crise complexe concernant le voisin de Corée du Sud. Le premier, les menaces de Trump visant à mettre en question les termes de l’accord commercial entre la Corée du Sud et les Etats-Unis, accord établi en 2012. Le second, l’insécurité économique et politique, provoquée par les essais nucléaires et la dite crise des missiles en Corée du Sud. Ce d’autant plus qu’au sein de la Corée du Sud, la compréhension existe qu’un chaos militaro-économique et social en Corée du Nord, mettrait la prospère Corée du Sud dans une situation 100 fois plus difficile que la gestion de l’unification allemande, même avec son taux de 1 Deutsche Mark contre 1 Mark de la DDR. Sans mentionner les effets directs et indirects d’une guerre. A cela s’ajoute la volonté des Etats-Unis d’imposer des dépenses militaires (système THAAD de contre-missile) d’importance à Séoul. Des négociations et une «jonction» économique lente (enclave de free trade zone) et maîtrisée reste prioritaire – même si difficile à concrétiser – pour les dominants de Corée du Sud.

Le Korea Herald du 3 septembre explicitait ces préoccupations«L’économie de la Corée du Sud a fait face à de sérieuses menaces sur deux fronts ce dimanche [3 septembre], suite au test nucléaire le plus fort de Corée du Nord, ainsi que suite aux indications accrues des Etats-Unis selon lesquelles leur accord de libre-échange bilatéral était menacé.

De tels défis, conjugués avec la tension entre la Corée et la Chine sur la défense de la zone dite de haute altitude [déploiement du système états-unien THAAD contesté par Pékin]  et la tendance à une croissance économique lente et prolongée, risquent de peser davantage sur la quatrième économie d’Asie.

Le vice-premier ministre pour les affaires économiques et le ministre des Finances, Kim Dong-yeon, a convoqué dimanche une réunion d’urgence au Complexe gouvernemental de Séoul en réponse au sixième test nucléaire de la Corée du Nord.


“Nous ne pouvons pas exclure la possibilité que les risques géopolitiques (dans la péninsule coréenne) augmentent, suite à la réponse de la communauté internationale et à la réaction de la Corée du Nord (contre elle)”, a déclaré Kim.» L’effort militaire ainsi que d’affirmation nationaliste  du Japon, sous la direction de la fraction représentée par Shinzo Abe, accroissent encore plus les tensions interimpérialistes dans toute la région.

Dans une conférence de presse improvisée, tenue à la Maison Blanche, James Mattis, secrétaire d’Etat à la Défense – à la sortie d’un Conseil de sécurité exceptionnel –, a donné un message plus posé que les tweets de Trump. Ce qui n’empêche pas que, dans une telle situation, une perte de contrôle provoquant un enchaînement chaotique de décisions lors d’un incident soit possible. Les figures médiatiques de ce conflit, pour l’heure encore limité, Trump et Kim Jong-un, traduisent, à leur façon, la configuration d’une situation internationale plus imprévisible que prévu par des rédacteurs de traités de géopolitique il y a six mois. (Charles-André Udry)

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Un tremblement de terre d’une magnitude détectée entre 5,7 et 6,3 sur l’échelle de Richter: voilà la seule certitude absolue dont le monde dispose après ce que Pyongyang a présenté comme la «réussite parfaite» d’un «test de la bombe à hydrogène», effectué dimanche matin en Corée du Nord. La localisation du séisme, dans des tunnels creusés sous le mont Mantap, sur le site de Punggye-ri, zone habituelle des essais nucléaires souterrains dans le nord-est du pays, ne permet évidemment pas de croire à une catastrophe naturelle. C’est le sixième essai nucléaire et de loin le plus puissant, attribué au «régime ermite», isolé comme jamais sur la scène internationale.

« Ce (dimanche) matin, plus de cent stations du système de surveillance international ont détecté un événement sismique inhabituel en Corée du Nord.

«Nos premiers calculs ont montré que cet événement était d’une magnitude plus élevée que celui du 9 septembre 2016 [date du 5e essai nucléaire revendiqué par Pyongyang], avec une localisation similaire, et se situait dans la région du site d’essais nucléaires de la Corée du Nord», a indiqué dans un communiqué dimanche Lassina Zerbo, le secrétaire exécutif de l’Organisation du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (Otice)». L’analyse se poursuit mais, «si confirmé, cet acte indiquerait que le programme nucléaire de la Corée du Nord avance rapidement» .

Le United States Geological Survey a détecté un séisme d’une magnitude de 6,3. Le ministère sud-coréen de la Défense l’évalue à 5,7. L’observatoire norvégien Norsar, à 5,8. Norsar estime que la déflagration avait une puissance équivalant à l’explosion de 120 kilotonnes de TNT [l’explosif trinitrotoluène].

«Le plus puissant à ce jour»

«En comparaison, la charge explosive de la bombe larguée sur Hiroshima le 6 août 1945 a été estimée à 15 kilotonnes de TNT, tandis que celle larguée sur Nagasaki trois jours plus tard était de 20 kilotonnes de TNT» , souligne l’institut norvégien. L’explosion de septembre 2016 avait provoqué un séisme de 5,2 de magnitude et dégagé une énergie d’environ 20 kilotonnes, selon Norsar : «Le test d’aujourd’hui est clairement le plus puissant à ce jour. »

La télévision officielle de Corée du Nord a assuré que cette bombe «d’une puissance sans précédent» marquait «le fait d’atteindre le but final qui est de parachever la force nucléaire de l’Etat». Pyongyang avait déjà affirmé en janvier 2016 (4e essai) avoir testé la bombe à hydrogène. Mais la faible puissance de l’explosion (6 kilotonnes) permettait de douter qu’il s’agissait effectivement d’une bombe thermonucléaire.

Le test de ce dimanche 3 septembre 2017 ne devrait plus guère laisser de place au doute: la Corée du Nord parachève bel et bien son statut de puissance nucléaire, y compris thermonucléaire, quels que soient encore les

«progrès» à réaliser en termes de miniaturisation ou de lanceurs. «Il n’est pas possible sur la base des seules données sismiques de déterminer si c’était un test d’une bombe à hydrogène, explique Norsar, mais nous pouvons dire en général que la crédibilité de cette affirmation (par Pyongyang) augmente avec la puissance croissante.»

Effondrement du tunnel

La détection, dans les semaines voire les mois à venir, de radioactivité pourrait permettre d’identifier définitivement le type de bombe testée ce dimanche. Pour autant qu’il y ait une fuite à l’air libre de ces radiations. L’Otice signale en effet que, pour les deux essais annoncés par Pyongyang l’an passé, «aucune trace de radioactivité n’a pu être décelée ayant permis de faire le lien avec les explosions d’envergure observées dans le pays».

Mais cette fois, l’explosion a été suivie, huit minutes plus tard, par une autre secousse sismique. Les experts attribuent ce second tremblement à l’effondrement d’un tunnel, sous la violence de la première explosion. «Il se peut que ce tunnel n’était pas assez solide pour supporter une explosion pareille», avance l’experte américaine en non-prolifération Catherine Dill, citée par la BBC. Mais il est aussi possible que la Corée du Nord avait l’intention de voir cet effondrement se produire: une manière de signaler au monde qu’il s’agissait d’un test authentique à travers la fuite de radioactivité, et d’une avancée considérable.»

Le monde a déjà vivement condamné. Le Conseil de sécurité de l’ONU se réunit ce lundi 4 septembre 2017. (Bilan informatif établi par Le Soir du 4 septembre 2017)

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