La calamité du chômage de masse

Par Linn Washington Jr.

L’administration Obama et les démocrates du Congrès essuient des critiques méritées pour avoir omis de prendre des mesures énergiques concernant une crise de plus en plus profonde: celle de la pénurie d’emplois prolongée. Cette inactivité constitue en effet une grosse négligence.

L’intransigeance belliqueuse des membres républicains du Congrès contribue à aggraver douloureusement cette crise.

Mais ne soyons pas injustes: aussi bien Obama que ses censeurs de Capitol Hill [c’est-à-dire du Congrès] ont eu le mérite de créer de nouveaux emplois au moins dans quelques secteurs, comme celui des ventes d’attirails anti-Obama et de la vente d’armes et de munitions.

Les emplois engendrés par les incessantes diatribes du Parti républicain à l’égard de Obama profitent surtout aux petites entreprises, ce secteur économique que les politiciens aiment tellement flatter et ovationner comme étant le mieux situé pour susciter de nouvelles opportunités de création d’emplois.

Mille excuses à Obama et à ses détracteurs du Parti républicain, mais les emplois ainsi crées ne représentent évidemment qu’une goutte d’eau dans l’énorme quantité d’emplois nécessaires pour que l’économie états-unienne commence à remonter des profondeurs de cette «grande récession».

Les emplois crées grâce au plan de relance de Obama sont d’un autre ordre. Il s’agit en effet d’augmenter les emplois surtout pour des travaux d’infrastructure publique comme la reconstruction de ponts, de routes et d’autres infrastructures qui se détériorent.

En outre, la relance de Obama ­ – si dénigrée par le parti conservateur – a fait entrer de l’argent dans les caisses des gouvernements des Etats, permettant de préserver des emplois du secteur public pour des policiers, des enseignants et d’autres, tout en procurant des fonds pour des allocations de chômage, ce qui permet d’atténuer la douleur de quelques chômeurs.

L’inauguration de Obama a fait exploser toute une industrie artisanale qui produit des colifichets anti-Obama, dont des T-shirts, des autocollants, des livres, des tasses, des films et d’autres articles, portant pour la plupart des messages vindicatifs.

Prenons par exemple le T-shirt portant l’inscription: «Priez pour Obama, psaume 109:8». Elle fait référence à un verset biblique largement considéré comme étant un «cri de vengeance» et contient des passages du genre: «Que ses jours soient comptés» et «Que ses enfants soient orphelins et sa femme une veuve.»

Le fait de distribuer ce T-shirt anti-Obama dans les cercles conservateurs crée et maintient des emplois, en tout cas pour les gens qui vendent ces T-shirts à des entrepreneurs anti-Obama (en espérant que ces vêtements sont fabriqués aux Etats-Unis), pour ceux dont le travail consiste à imprimer cette «prière» perverse sur ces T-shirts, pour ceux qui les commercialisent et pour ceux qui les distribuent à des acheteurs enthousiastes.

La campagne anti-Obama alimente également des emplois dans la manufacture et la vente d’armes.

D’après les chiffres de l’industrie des armes à feu, les Etats-uniens ont acheté l’année dernière 14 millions d’armes à feu. Ces achats – qui stabilisent l’emploi dans les entreprises dans le secteur de l’armement – poursuivent l’augmentation du taux de ventes d’armes qui a démarré avec l’élection d’Obama en 2008: celle-ci était violemment décriée par le National Rifle Association avec l’argument que Obama aurait eu l’intention de décréter des contrôles sévères pour les armes à feu.

Ces 14 millions d’armes vendus l’année passée aux Etats-Unis représentent davantage d’armes que le nombre combiné de soldats des trois armées la plus grandes du monde (Chine, Etat-Unis, Inde) représentant plus de 5 millions de soldats… moins que moitié que le nombre d’armes achetées aux Etats-Unis l’année dernière.

Il y a au moins une conséquence positive qui découle de cette floraison macabre d’achats d’armes: l’augmentation de taxes fédérales prélevées. Un rapport publié cet été par le Bureau de l’Alcool, des Armes et du Tabac révèle que les taxes prélevées sur la vente d’armes et de munitions ont augmenté de 45% au cours de la dernière année fiscale.

Puisque visiblement ni la vente d’armes, ni la fabrication d’attirails anti-Obama ne vont suffire pour redonner du travail aux gens, il ne reste aux fonctionnaires fédéraux (aussi bien les élus que les nommés) qu’à faire ce qui va révolter la plupart des conservateurs et beaucoup de centristes, à savoir instituer un programme d’aide public massif à l’emploi analogue à ceux qui étaient destinés à donner accès à des salaires et qui ont été édictés pendant la Grande Dépression des années 1930 lors des initiatives contre la pauvreté de la fin des années 1960.

Des emplois dans les services publics sont en effet la manière la plus rapide pour permettre aux chômeurs d’accéder à un salaire.

Le problème est que gouvernement a vu ses revenus fondre et les déficits exploser. Il se trouve dans l’impossibilité de financer un programme d’emplois massifs dans le secteur public en même temps qu’il étend une guerre inutile en Afghanistan, qu’il poursuit l’occupation de l’Irak, qu’il dorlote des corporations avec des réductions d’impôts avaleuses de revenus et qu’il finance des grandes banques dont la collusion avec les margoulins dans l’arnaque de Wall Street a déclenché l’effondrement économique.

C’est seulement en prenant des mesures qui vont certainement attiser la colère des super-riches et des partisans du «Tea-Party» qu’ils ont grugé en leur faisant croire qu’ils partageaient les intérêts avec l’élite économique, alors que celle-ci les méprise.

Un premier pas vers le financement d’emplois du secteur public consisterait à supprimer le tabou qui interdit de toucher aux dépenses militaires. Celles-ci représentent actuellement une partie importante du budget fédéral, dont on sait depuis longtemps qu’elle constitue un puits sans fond où s’engouffre l’argent destiné à des pratiques gaspilleuses. On peut lire à ce sujet l’analyse de Dave Lindorff dans le magazine Counterpunch au sujet de la part des dépenses militaires dans le budget états-unien.

Une partie du coût de la guerre en Afghanistan s’explique par le versement de plus de 2 milliards de dollars à des sous-traitants privés pour le transport de fournitures militaires destinées aux forces combattantes états-uniennes (munitions, nourriture, carburant, médicaments, etc.) depuis un port pakistanais jusqu’aux bases militaires états-uniennes dans des régions reculées d’Afghanistan.

Cette combine de sous-traitance à des privés approvisionne actuellement 70% des forces militaires états-uniennes en Afghanistan. Si on ajoute à cela les coûts de la mésaventure de la guerre elle-même on arrive à des gâchis extraordinaires, comme le fait de dépenser 400 dollars pour un seul gallon de carburant pour un char des Marines.

En outre, selon un rapport,publié en juin 2010, par le sous-comité du Congrès sur la Sécurité Nationale, cette sous-traitance de fournitures vitales pour les soldats états-uniens en Afghanistan crée de sérieux problèmes – directement et indirectement – pour l’effort de guerre. Ces combines d’approvisionnement «encouragent le recours à des seigneurs de la guerre, à l’extorsion et à la corruption, et constituent peut-être une source significative de fonds pour les insurgés

Si l’on supprimait le gaspillage qui fait partie intégrante de cette arnaque d’approvisionnement, formellement connue sous le nom contrat de Host Nation Trucking (HNT), il serait possible de fournir des dizaines de millions de dollars pour financer des emplois dans les services publics pour des états-uniens chez eux. En outre, cela contribuerait à «soutenir nos troupes» en bloquant le flot d’argent et de matériel qui arrive droit dans les mains des Talibans – l’ennemi désigné par les forces états-uniennes en Afghanistan.

Une autre source de financement pour des emplois dans le secteur public serait de stopper les évasions fiscales des entreprises et de réviser les conventions de libre commerce datant de la présidence de Clinton et qui écrasent les emplois aux Etats-Unis. Les conservateurs qui reprochent à Obama le taux de chômage sans précédent aux Etats-Unis semblent oublier que la politique commencée sous le Président Reagan a lésé les emplois états-uniens en facilitant la «sous-traitance» à des pays étrangers.

Les partisans du Tea-Party à l’esprit embrouillé par leurs richissimes marionnettistes et leurs maîtres à penser de Fox-News ne manqueraient pas d’invoquer le père fouettard d’un interventionnisme par le Grand Gouvernement. Avant de s’y mettre ils devraient cependant réfléchir au fait que le taux de chômage est plus bas en «Chine communiste» et en «Allemagne capitaliste» qu’aux Etats-Unis, cela à cause des politiques et des procédures respectives que ces deux gouvernements ont entrepris pour maintenir l’emploi pour leurs pays.

Dans le discours hebdomadaire qu’il a donné juste avant Labour Day [Fête du Travail officielle célébrée aux Etats-Unis le premier lundi de septembre], le président Obama a promis de se battre pour passer une loi qui «accordera des baisses d’impôt pour ceux qui créent des emplois en Amérique». Cette proposition sonne bien, mais ne constitue qu’un tout petit pas alors qu’il faudrait des pas de géant.

Les Etats-Uniens ont besoin de salaires et non des lieux communs bidon répandus par de riches politiciens et des dirigeants de corporations qui font la leçon aux chômeurs sur les vertus d’accepter avec stoïcisme leur descente dans la pauvreté. (Traduction A l’encontre)

* Linn Washingron Jr. est professeur associé de journalisme à la Temple University à Phladelphie. Il tient un chronique hebdomadaire dans le Philadelphia Tribune, le journal le plus ancien propriété de Noirs états-uniens. Cet article reflète la relation secptique de soutien à Obama, d’autant plus face à la montée de la «droite dure» raciste et «traditionaliste» (Réd.)

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