Etats-Unis: une victoire prévisible, comme sa suite

Par A l’Encontre

Afin de maintenir l’attention médiatique et pour justifier le déploiement effectué par les chaînes de télévision aux Etats-Unis, une norme s’imposait: Obama et Romney étaient au coude-à-coude dans la course à la présidence. Or, depuis un certain temps, les analystes sérieux spécialisés sur la dynamique des élections américaines indiquaient l’avance d’Obama, selon les sondages, dans les Etats pivots tels que l’Ohio, le New Hampshire, le Michigan, le Wisconsin, l’Iowa, le Nevada, le Colorado, la Pennsylvanie. Pour l’heure, le résultat de la Floride n’est pas connu; cet Etat permet l’élection de 29 grands électeurs, qui, pour rappel, élisent le président. Néanmoins, dès 5 heures du matin, heure européenne, la différence dans le nombre des grands électeurs marquait la victoire d’Obama: 206 pour Romney et 303 pour le président, le nombre de 270 assurant l’élection. Pour ce qui est de l’analyse de cette élection et des questions qui se posent à la gauche effective des Etats-Unis, nous donnerons sur ce site l’opinion de nos amis de l’ISO en traduisant leur éditorial.

Toutefois, il nous semble utile de résumer et citer Jakob Augstein, éditorialiste de l’hebdomadaire Spiegel, qui affirmait le 5 novembre 2012, à contre-courant du barnum médiatique: «Les Allemands voient les élections états-uniennes comme une bataille entre le bon Obama et le méchant Romney. Mais cela est une erreur. Indépendamment de qui va gagner l’élection mardi, le capitalisme absolu est le véritable dirigeant de l’Amérique, et il a le pouvoir de détruire ce pays.» Jakob Augstein continue: «L’armée états-unienne développe une arme capable d’atteindre – et de détruire – n’importe quel endroit sur la terre en une seule heure. Dans le même temps, les fils électriques pendent à des poteaux de bois au-dessus des rues à Brooklyn, dans le Queens et à New Jersey. L’ouragan Sandy les a arrachés là et dans d’autres régions de la côte Est ce dernier week-end. Et beaucoup d’endroits restent sans électricité. Cette Amérique avec des options de type high-tech est à la disposition seulement d’une élite et le reste vit dans des conditions comparables souvent à celles de pays en développement. Aucun autre pays n’a produit autant de Prix Nobel, mais beaucoup d’hôpitaux de la ville de New York ont dû être évacués durant l’ouragan car les générateurs électriques de secours ne fonctionnaient pas correctement. Toute personne qui voit cela comme une contradiction est incapable de saisir un fait: cette Amérique est le pays du capitalisme total… Obama n’a pas pu changer cela. Romney n’y changerait rien. L’Europe se trompe si elle envisage l’élection comme le choix entre les forces du bien et du mal. Et cette élection ne contient pas un changement potentiel de direction politique comme certains journaux sur le continent européen voudraient nous le faire croire.» Puis Augstein indique qu’Obama n’est pas une colombe et Romney n’est pas un faucon. «Le président sortant préfère peut-être mener ses guerres avec des drones qu’avec des troupes, bien que les victimes ne se soucient pas de savoir si elles sont tuées par une machine ou par un homme.» Puis Augstein indique Romney, malgré tout ce qui a été dit, ne se serait pas engagé aux côtés d’Israël dans une guerre contre l’Iran, «parce que les Etats-Unis ne peuvent plus se payer aujourd’hui ce genre d’opération». L’éditorialiste du Spiegel ne sous-estime pas les différences existant parmi les électeurs et électrices d’Obama et de Romney. Mais, à juste titre, comme les 2 milliards de dollars de la campagne électorale présidentielle (le total pour l’ensemble des élections est estimé à 6 milliards) l’illustrent à leur façon, il souligne: «Le système politique se trouve dans les mains du big business et des lobbyistes.» Jakob Augstein manifeste une appréhension autrement plus réaliste des mécanismes de la société américaine que ceux qui veulent la lire à partir d’une grille de lecture dite européenne, cela au moment où le système politique européen connaît précisément une forme d’américanisation, avec son «centre droit» et son «centre gauche».

Les républicains ont perdu la présidentielle. Ils ont aussi perdu leur espoir de prendre le contrôle du Sénat. Les candidats les plus réactionnaires ont été battus. Ainsi, Todd Akin, qui avait osé affirmer que le corps d’une femme ne pouvait donner naissance à un enfant si elle était vraiment opposée au viol, a été largement battu dans l’Etat du Missouri par la candidate démocrate sortante Claire McCaskill. Des défaites républicaines de ce type se sont produites dans l’Etat d’Indiana, où le républicain Richard Mourdock avait tenu des propos similaires concernant viol et avortement. Dans le Massachusetts, le républicain Scott Brown, une des figures du Tea Party, a été battu par Elizabeth Warren, professeure à Harvard et démocrate connue pour sa défense des consommateurs.

Malgré ces défaites, les républicains continueront leur campagne réactionnaire – tout en contrôlant la Chambre des représentants. Cela crée les conditions pour qu’Obama rende crédible – comme cela est déjà apparu dans son discours saluant ceux et celles ayant soutenu sa réélection – la politique dite de «grand marchandage» qui se concrétisera entre autres sur la question budgétaire, avec l’ensemble des coupes dans les dépenses sociales qui en découleront. Les questions mises à l’ordre du jour par les divers mouvements sociaux le resteront, et même s’aiguiseront, dans les mois qui viennent. (7 novembre 2012)

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