Etats-Unis. Trump met fin au rêve des «Dreamers»

Par Philippe Gelie

Les manifestations et le porte-à-porte pour mobiliser l’opinion ont commencé pendant ce week-end férié de trois jours, lundi marquant aux Etats-Unis le Labor Day (la fête du travail). Les protestataires ont anticipé la décision que doit annoncer Donald Trump ce mardi sur le sort des «Dreamers», ainsi qu’on appelle les sans-papiers arrivés enfants ou bébés, jusqu’ici épargnés par les mesures d’expulsion.

Après avoir beaucoup tergiversé, le président s’apprête à annuler la dérogation instituée en leur faveur par Barack Obama en 2012. La suppression du programme Daca (Deferred Action for Childhood Arrivals) n’entrerait toutefois en vigueur qu’après un délai de six mois, afin de laisser au Congrès le temps de légiférer sur ce sujet sensible, s’il en est capable. Mais les questions d’immigrations divisent tant les élus qu’ils ont régulièrement échoué à produire une réforme globale, quelle que soit la majorité.

C’est d’ailleurs la raison qui avait poussé Obama à agir par décret. Quelque 800’000 jeunes immigré·e·s bénéficient désormais d’une protection temporaire de deux ans, renouvelable, qui leur donne le droit d’étudier ou de travailler sans craindre d’être expulsés, pour peu que leur casier judiciaire soit vierge. Intégrés à la vie sociale et économique américaine, la plupart n’ont ni lien ni souvenir avec leur pays d’origine. Sortis de la clandestinité, ils craignent de devenir des cibles de choix pour la police des frontières.

Kellyanne Conway

Durant la campagne, Donald Trump avait promis d’éliminer le Daca afin de réserver les emplois aux citoyens américains. Deux mois après son entrée à la Maison-Blanche, il n’en était plus sûr: «C’est un sujet très difficile, disait-il en février 2017. Nous allons faire preuve d’un grand cœur.» «J’adore les Dreamers, je pense qu’ils sont formidables», a-t-il répété vendredi 1er septembre. Mais le président «veut être juste envers les travailleurs américains», a expliqué dimanche sa conseillère Kellyanne Conway. «Des gens viennent ici illégalement et leur font concurrence pour l’emploi et d’autres avantages.»

Zuckerberg soutient le Daca 

En juin, une dizaine d’Etats contrôlés par les Républicains, Texas en tête, ont menacé de poursuivre l’Administration en justice si elle n’annulait pas le Daca d’ici au 5 septembre. L’Attorney General, Jeff Sessions, a prévenu Trump qu’il ne s’estimait pas en position de défendre une mesure qu’il a toujours jugée inconstitutionnelle, y voyant un excès de pouvoir de Barack Obama. «Le procès n’est qu’un prétexte pour faire passer l’acte le plus inhumain d’une politique anti-immigration radicale», estime le Pr Wayne Cornelius, de l’université de Californie, un Etat qui compte 200 000 Dreamers.

Populaire d’après les sondages, à l’origine de nombreuses success stories, le Daca bénéficie de beaucoup de soutiens. Les chefs d’entreprise de la Silicon Valley ont adressé une lettre ouverte à la Maison-Blanche et au Congrès les pressant de maintenir la protection dont bénéficient nombre de leurs employés (250 chez Apple, une trentaine chez Microsoft). Samedi, le jeune patron de Facebook, Mark Zuckerberg, auquel on prête des ambitions présidentielles depuis qu’il a entamé une tournée du pays, a changé la photo de son profil sur son site pour proclamer: «Je soutiens le Daca.»

Une dizaine d’élus républicains ont écrit à leur chef de file, Paul Ryan, pour lui demander de s’opposer à la suppression du Daca, comme il le préconise lui-même: «Ce n’est pas la chose à faire, le Congrès doit s’occuper de ce problème.» «Pour la grandeur de l’Amérique, il faut garder le Daca», renchérit le commentateur conservateur Bret Stephens. Mais à la Maison-Blanche, les tenants de la ligne Steve Bannon n’ont pas perdu toute leur influence après le départ du conseiller stratégique en août. (Le Figaro, 5 septembre 2017)

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*