Etats-Unis. Trump accélère les attaques contre les immigrant·e·s

Par Barry Sheppard

Dans sa désormais célèbre déclaration sur l’immigration, Trump exprimait clairement son point de vue. Il ne veut pas que les immigrant·e·s des pays d’Afrique, d’Haïti et du Salvador – les Noirs et les Latino-Américains – soient admis aux États-Unis.

Il les appelait issus «de pays de merde».

Il a ensuite affirmé qu’il voulait des immigrants de pays comme la Norvège – des Blancs.

Ceci en plus de l’interdiction d’entrée des immigrant·e·s de six pays à majorité musulmane, de sa référence aux immigrants du Mexique en tant que violeurs et trafiquants de drogue, de ses attaques contre les manifestant·e·s de Black Lives Matter comme étant «des voyous prêts à tuer des policiers», etc.

L’agence Immigration and Customs Enforcement (ICE) intensifie les déportations de militants pour les droits des immigré·e· et des personnes sans papiers.

Trump a choisi le Salvador et Haïti non seulement pour restreindre l’immigration en provenance de ces pays, mais aussi pour appuyer ses récentes décisions de révoquer le statut de réfugié des immigrants qui se trouvaient déjà aux Etats-Unis.

Ces immigrants ont obtenu le statut de réfugié en vertu d’un programme appelé statut de réfugié temporaire protégé (TPS) signé en 1990 par le premier président George H. W. Bush.

Près de 200’000 personnes originaires du Salvador ont été autorisées à vivre et à travailler aux États-Unis dans le cadre du TPS après que deux tremblements de terre dévastateurs eurent frappé leur pays en 2001. Maintenant, Trump les a laissées dans l’incertitude juridique et elles peuvent être expulsées.

Trump a fait la même chose avec près de 60’000 personnes d’Haïti, admises dans le pays selon le statut TPS, après le tremblement de terre de 2010 qui a tué des centaines de milliers de personnes [officiellement, 300’000 morts, 300’000 blessés et 1,2 million de sans-abri]. Lorsqu’il a fait ses remarques «merdiques», il a ajouté: «Pourquoi avons-nous besoin de plus d’Haïtiens? Videz-les!»

Ayant vécu et travaillé aux États-Unis pendant toutes ces années, ces réfugiés du Salvador et d’Haïti ont envoyé de l’argent dont ils avaient grandement besoin à leurs parents dans leur pays d’origine. C’est le cas de la plupart des immigrant·e·s, avec ou sans papiers, vivant aux États-Unis et provenant de pays pauvres exploités depuis des siècles par les États impérialistes occidentaux, y compris les États-Unis.

Jean Montrevil et Ravi Ragbir, originaires respectivement d’Haïti et de Trinidad, sont parmi les militants pour les droits des immigré·e·s récemment arrêtés par l’ICE. Jean vivait aux États-Unis depuis plus de 30 ans, Ravi depuis plus de 25 ans. Ravi est le directeur exécutif de la New Sanctuary Coalition [créée à New York] et Jean, un militant du groupe. Tous deux ont été pris pour cible par Trump.

Ils ont été arrêtés par des agents de l’ICE et n’ont même pas eu le droit de dire au revoir à leur conjoint. Ils ont été victimes de violence physique pendant leur détention. Montrevil fut rapidement déporté. Ragbir a été sauvé de sa déportation immédiate par un juge après que ses partisans eurent réussi à lui présenter son cas.

Le juge de district Katherine Forrest a qualifié la détention de Ravi d’«inutilement cruelle» et a affirmé qu’il avait «la liberté de dire au revoir», et a comparé son traitement à celui des «régimes que nous qualifions d’injustes, des régimes où ceux qui vivent depuis longtemps dans un pays peuvent être enlevés à l’improviste dans la rue, dans leur maison et au travail. Et renvoyés. Nous ne sommes pas ce genre de pays [oui nous le sommes, du moins en ce qui concerne ces cas – B.S.] et malheur au jour où nous deviendrons ce pays sous des pseudo-lois qui le permettent.»

Mais Ragbir risque toujours d’être expulsé, puisque K. Forrest a dit que l’ICE avait le pouvoir légal de l’expulser en vertu de la loi actuelle.

Cette loi a été signée par le président Bill Clinton en 1996. Elle a augmenté de façon générale les peines imposées aux immigrants qui violent la loi américaine d’une manière ou d’une autre et a rendu plus difficile l’obtention d’un statut légal pour les sans-papiers. Une mesure particulièrement sévère a permis d’expulser les titulaires de la carte verte [green card, carte de résident permanent] pour des «crimes» commis avant 1996. La lutte contre les sans-papiers est depuis longtemps bipartite. Trump l’accélère.

Cette loi constitue un double danger. Montrevil et Ragbir ont tous deux été reconnus coupables d’infractions mineures bien avant 1996 et ont purgé leur peine. Mais ils sont maintenant à nouveau accusés pour les mêmes infractions. Ragbir cherche à annuler sa condamnation qui était fondée sur des preuves sans fondement. Il devait comparaître devant la cour au début de février, lorsque l’ICE a décidé d’agir pour le faire expulser avant l’audience.

Les personnes expulsées vers Haïti sont généralement arrêtées par le gouvernement corrompu pro-impérialiste et emprisonnées jusqu’à ce qu’elles puissent verser un pot-de-vin pour s’en sortir. Mais les partisans de Montrevil en Haïti, connu pour son activité pour les immigré·e·s, se sont mobilisés pour l’accueillir à son arrivée. Cela a empêché la police haïtienne de l’arrêter. Cependant, il doit maintenant lutter contre la décision d’expulsion alors qu’il réside à l’extérieur des États-Unis.

Des militants de l’immigration sont pris pour cible partout dans le pays. Pour exemple, Sandra Lopez est une mère mexicaine de trois enfants qui vit aux États-Unis depuis 20 ans. Elle a été forcée de chercher refuge dans une église unitarienne [théologiquement par opposition au dogme de la Trinité] du Colorado en octobre dernier. Ingrid Latorre [d’origine péruvienne] a aussi cherché refuge en octobre au Colorado. Le jour où Ravi a été arrêté, le mari d’Ingrid Latorre, Eliseo Jurado-Fernandez [âgé de 30 ans et entré aux Etats-Unis en 2004], a été arrêté par l’ICE. A Seattle, l’ICE a envoyé un «avis de comparution» à Maru Villalpando, qui réside dans le pays depuis 25 ans et dirige l’organisation Northwest Detention Center Resistance [où sont détenus les immigrants arrêtés].

«L’ICE nous envoie vraiment un message pour mettre fin à notre activité politique», a déclaré M. Villalpeando.

Une chose qu’Obama a faite au cours de ses dernières années au pouvoir a été d’accorder un sursis temporaire à l’expulsion des immigrants sans papiers entrés dans le pays comme enfants avec leurs parents, et de leur permettre de travailler et de fréquenter l’école légalement (Dreamers). Cela a donné de l’espoir à quelque 800’000 personnes qui se sont inscrites à ce programme.

Mais le programme devait être renouvelé tous les deux ans. Trump a refusé de le faire à la fin de l’année dernière, ce qui a créé des problèmes juridiques pour ces personnes, connus sous le nom de «rêveurs» (Dreamers) pour leur désir de rester aux États-Unis. Depuis, beaucoup ont été expulsés.

Trump a maintenant proposé au Congrès de rétablir le programme et même d’offrir aux «rêveurs» une procédure de plusieurs années pour l’obtention de la citoyenneté. Ça a l’air génial! Mais il a lié cette proposition à ce que le Congrès vote l’allocation de milliards de dollars au fonds dédié à la construction de son mur tout au long de la frontière américano-mexicaine. Et, conjointement, il y ajoute une réduction sévère de l’immigration légale. La proposition a été rédigée par Stephen Miller [a participé à la campagne électorale de Trump, est proche de Jared Kushner, antérieurement porte-parole d’élus du Tea Party], conseiller politique principal de Trump, farouchement anti-immigration, se situant à l’extrême droite du Parti républicain, qui est maître du jeu à ce propos.

Cette proposition ne va pas aboutir, car de nombreux démocrates ne veulent pas être perçus comme soutenant fermement un frein accentué à l’immigration légale ou la construction du mur. À l’extrême droite se trouvent les républicains suprématistes blancs inspirés par Breitbart News qui dénonce la proposition concernant l’octroi de la citoyenneté aux «rêveurs».

Toute la proposition est un stratagème cynique, à ne pas prendre au sérieux. La leader démocrate Nancy Pelosi a dénoncé Trump pour avoir essayé de «rendre l’Amérique blanche à nouveau» – une référence au slogan de Trump «rendre l’Amérique grande à nouveau».

Mais les États-Unis sont déjà «blancs» aujourd’hui et l’ont toujours été, en ce sens que les Noirs, les Latinos et d’autres personnes de couleur sont et ont toujours été victimes d’oppression raciale par «l’Amérique blanche», la classe dominante étant majoritairement blanche. Ce n’est pas une question de chiffres – beaucoup d’États esclavagistes de la Confédération comptaient plus d’esclaves africains que de Blancs libres. C’est une question de pouvoir.

Trump veut imposer un recul aux droits conquis par les Noirs et d’autres dans la radicalisation des années soixante – un objectif que la classe dirigeante poursuit depuis les années 1970. (Article reçu par l’auteur le 1er février 2018 ; traduction A l’Encontre)

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