Etats-Unis. Quelques «Harvey» et le franchissement de seuils vers le basculement

Donald Trump, lors de son déplacement du mardi 29 août 2017, se fera rappeler – avec sifflets et pancartes – sa position sur le retrait des Etats-Unis de la COP 21. Il tente néanmoins de ne pas répéter l’erreur de W. Bush qui avait survolé en hélicoptère une Nouvelle-Orléans ravagée par l’ouragan Katrina, en août 2005 (du 23 au 31 août). De plus, Doubleyou avait manifesté un mépris marqué du coin de l’indifférence pour la population la plus dépossédée, qui, pour l’essentiel, était [et est] afro-américaine.

Donald Trump, lui, a organisé sa mise en scène: suivi en «temps réel» de l’avancé de Harvey depuis le bureau ovale; un morceau de télé-réalité. Il est vrai, néanmoins, que Trump a ordonné le contrôle par la police des automobilistes sans permis qui tentent d’échapper à la montée des eaux. Ce qui explicite la politique effective de répression et de chasse par l’administration Trump contre les migrant·e·s «sans papiers» qui travaillent aux Etats-Unis depuis des années. En outre, Trump a signé un décret, le 15 août, permettant la construction de bâtiments en zones inondables. Harvey fait monter l’eau proche des mèches du Président. Et des assurances évaluent déjà les dégâts à 20 milliards de dollars avec, conjointement, les questions relatives au type d’utilisation de milliards dits de «dédommagements».  

Mais un simple fait doit retenir l’attention: le Texas est le cœur de l’industrie pétrolière des Etats-Unis. Les patrons de cette industrie sont ultra-conservateurs et soutiennent les positions climato-sceptiques de Trump. Le gouverneur républicain du Texas, Greg Abbott, en place depuis 2015, a affirmé à plusieurs reprises que l’industrie pétrolière ainsi que l’activité humaine n’avaient pas d’impact significatif sur «le réchauffement climatique». Il n’y a donc pas de chance que l’administration Trump change de position sur ce thème. Par contre, la protection – dite sécurisation – des industries pétrolières, plus ou moins proches du littoral, sera à coup sûr mise en avant et financée. Et tout cela aura pour fonction de stabiliser, dans cette vaste région, le réseau socio-élecoral et économique du Trump tweeteur et de sa fraction de milliardaires qui noient sous les dollars les divers lobbies – comme le puissant Forum pour la liberté et la croissance des frères pétroliers Koch – chargés d’assurer une refonte du Parti républicain, quitte à se trouver, plus d’une fois, à la marge droite et dans une position semi-indépendante par rapport au GOP. (C.A. Udry)

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Par Michel de Muelenaere

Plus de 8 morts le lundi soir 28 août. 30 000 personnes sont attendues dans les centres d’accueil temporaires. Le climat meurtrit déjà les Etats-Unis, lancent les scientifiques américains à leur président. Et ce n’est pas fini.

• Le rapport n’est pas encore rendu public, mais s’il l’est en l’état, il pourrait – sans mauvais jeu de mots – apporter de l’eau au moulin de ceux qui contestent l’attitude du président américain Donald Trump sur le climat [une première estimation On sait que le candidat Trump avait qualifié le changement climatique de «canular», qu’il doute de la responsabilité de l’homme dans le réchauffement, qu’il a décidé de sortir son pays de l’accord de Paris, de couper les vivres à plusieurs programmes des Nations unies sur l’environnement et le climat (dont le Giec – Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) et qu’en interne son administration s’ingénie à mettre des bâtons dans les roues des scientifiques qui travaillent sur les questions environnementales. Alors qu’Harvey frappe durement le Texas et pourrait secouer la Louisiane, la réaction de Trump à ce désastre pourrait être un test politique. L’influence du réchauffement du climat sur les épisodes climatiques extrêmes comme la tempête tropicale Harvey est pointée par de nombreux scientifiques. Le président américain persistera-t-il à le nier?

• Ce sera d’autant plus délicat qu’un rapport rédigé par des dizaines de scientifiques provenant de treize agences fédérales tape une nouvelle fois sur le clou. Les preuves du réchauffement sont partout, disent-ils. L’homme en est le principal responsable et les Etats-Unis en subissent déjà les conséquences. Ce rapport encore préliminaire fera partie du « National climate assessment », publié par l’académie des sciences tous les quatre ans, sur commande du congrès américain. Pour autant que l’administration actuelle ne le torpille pas, dit-on dans les milieux scientifiques.

Le réchauffement est clair, dit le rapport: +0,7º C en 2016 comparé à la moyenne 1901-1960. Il est aussi plus important dans le nord-ouest et le sud-ouest. «La dernière décennie fut la plus chaude depuis 1.500 ans» . Et cela ne va pas s’arrêter: dans tous les cas de figure, les Etats-Unis se réchaufferont de 1,4º C dans les prochaines décennies. Dans le pire scénario – si les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter – ils prendront jusqu’à 6,6º C d’ici la fin du siècle. Les conséquences: «Le nombre de vagues de chaleur a augmenté, de même que la fréquence et l’intensité des précipitations.» Dans le nord-est, les pires tempêtes ont généré 27% de précipitations en plus depuis le début du siècle dernier. Dans les grandes plaines du sud, les pluies ont augmenté de 10 à 19%. «Les précipitations extrêmes qui contribuent aux inondations devraient continuer à s’accroître dans une atmosphère plus chaude» , relève le rapport de l’académie des sciences.

De plus fréquents Harvey

Les tempêtes comme Harvey et les ouragans comme Katrina? La variabilité d’année en année brouille le signal. Mais dans l’Atlantique-Nord, l’activité des ouragans est à la hausse depuis les années 70.

«Les modèles prédisent un accroissement des cyclones tropicaux, de même qu’une augmentation des cyclones très intenses». Quant aux précipitations associées à ces cyclones et à ces ouragans, elles seront elles aussi plus importantes, indiquent les scientifiques américains. Des catastrophes telles qu’Harvey – qui aurait un temps de retour de 500 ans – se produiront plus souvent.

L’élévation du niveau de la mer (déjà de 16 à 21 cm depuis 1900) est aussi en cours et devrait s’accélérer, particulièrement au nord de la côte est et à l’ouest du golfe du Mexique (le Texas et la Louisiane). Les côtes américaines sont plus sensibles que d’autres régions du monde à ce phénomène, alerte le rapport. Conséquence: les inondations dues aux fortes marées sont déjà monnaie courante à Miami et à Norfolk (Virginie). «A la fin du siècle, des parties de Charleston (Caroline du Sud) pourraient être inondées chaque jour en cas de forte marée. Les quartiers les plus bas de San Francisco sont aussi extrêmement vulnérables et devraient être régulièrement sous les eaux.»

Les chercheurs concluent par une incertitude. Ils qualifient l’attitude de l’homme à l’égard du climat d’«expérience inédite». Et rappellent: les modèles ne peuvent pas tout prédire. Il y a ainsi une «possibilité significative» de «surprises climatiques»: ainsi, deux ou plus événements extrêmes qui pourraient se combiner, des événements «de basculement» faisant franchir des «seuils» (irréversibles) au climat. «Plus ce dernier est modifié – c’est-à-dire plus les émissions se poursuivent ou augmentent – plus ce risque de surprise est grand», conclut le rapport. Allô Donald?

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Après Houston, La Nouvelle-Orléans?

Par Michel de Muelenaere

La question commençait à trotter lundi soir du côté de ceux qui assistent, médusés, à la montée du niveau des eaux à Houston: que va faire Mitch Landrieu? La Nouvelle-Orléans, la ville dont il est le maire [depuis 2010, Démocrate], a été placée en état d’alerte «inondations subites». Jusqu’à 25 centimètres de pluie devraient s’abattre sur la capitale de la Louisiane d’ici jeudi, parfois davantage dans certains quartiers. Faut-il évacuer sans attendre, au moins les zones les plus vulnérables? Avant l’arrivée des précipitations, les experts estimaient que l’ordre d’évacuer devrait être donné à partir de 30 centimètres de précipitations.

Greg Abbott, lundi 28 août…

D’évacuation, il en a été beaucoup question au cours de la journée de lundi à Houston. Des rues et des quartiers particulièrement affectés ont été vidés de leurs habitants. Selon les services météorologiques américains qui ont dû rajouter une couleur à leurs diagrammes pour illustrer l’intensité des pluies qui ont frappé le Texas, un peu plus de 1000 millimètres de pluies se sont abattus sur Houston et sa région et 500 seraient encore «en chemin». De quoi aggraver encore fortement la situation des personnes et des biens de cette ville de 2,3 millions d’habitants. Trente mille personnes pourraient être hébergées dans les abris ouverts pour les victimes des inondations et 450’000 pourraient avoir besoin d’assistance, selon la mairie de Houston. Le bilan provisoire des inondations est d’au moins huit morts.

Le gouverneur du Texas, Greg Abbott [Républicain, en responsabilité depuis 2015], a annoncé le déploiement de l’intégralité de la garde nationale de l’Etat, soit 12’000 personnes pour rechercher et sauver les victimes des inondations et pour participer aux efforts de reconstruction après le passage de la tempête tropicale Harvey. Comme prévu, celle-ci a fait un aller-retour vers l’océan dont, heureusement, elle n’est pas sortie renforcée. Mais si les pluies torrentielles ont connu une certaine accalmie lundi, elles devraient toujours se poursuivre jusqu’à mercredi, ajoutant de l’eau à l’eau déjà omniprésente. Le pic des inondations ne devrait être atteint que mercredi ou jeudi (30 et 31 août), préviennent les autorités.

Des regards inquiets se portent désormais vers les barrages et les réservoirs qui entourent la ville et qui sont pleins plus qu’à ras bord. Pour certains, les vannes ont dû être ouvertes par les ingénieurs de l’armée américaine, ajoutant de l’eau dans des rivières continuant à gonfler. Par ailleurs, les experts pointent désormais les risques de pollution (de nombreuses entreprises ont été débordées) et de maladies dues aux fuites d’eaux usées hors des égouts et des stations d’épuration. (Article publié dans Le Soir en date du 29 août 2017)

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