Nicaragua. Tsunamis et séismes politiques

Par notre correspondant
au Costa Rica

La plus grande absurdité, bêtise et imprudence du régime Ortega-Murillo était de croire les «vendeurs de fumée» qui soutenaient que les classes sociales avaient pris fin et qu’en leur absence, donc en l’absence d’un mouvement sociopolitique combatif, le sujet-appui du régime était la «jeunesse» du show-business.

D’autre part, ces mêmes «vendeurs de fumée» ont annoncé les grands projets qui allaient transformer le Nicaragua – raffinerie, fabriques d’urée pour engrais azotée, usines textiles, aluminium, vaccins, Tumarin [barrage hydroélectrique en béton, de 60 mètres de hauteur pris en «charge» par le Brésil et construit sur le Rio Grande de Matagalpa, projet qui s’éteignit en 2016], canal interoceánique, etc. –, qui au bout du compte n’étaient pas réalisés. Ces «vendeurs de fumée» se sont consacrés à investir de manière «semi-lumpen» l’argent issu de l’accord pétrolier avec le Venezuela, gaspillant les biens du pays et s’enrichissant grâce à la protection du pouvoir.

Le niveau de corruption que nous découvrons nous inquiète, à cause du degré de décomposition sociopolitique des élites, étant donné les niveaux de destruction des ressources naturelles/environnementales (forêts, eau potable, biodiversité, etc.), et surtout à cause de la destruction du tissu social et «éthique» [au sens des rapports inter-individuels] provoquée chez les populations. La corruption, l’arrogance et la médiocrité aboutissent à une transformation de la matrice économique, à des erreurs politiques très graves d’un dirigeant qui n’écoute personne [le binôme Ortega-Murillo]. Mais, au travers des processus socio-politiques et psychosociaux, tout cela paralyse progressivement le régime autoritaire.

Une société ne peut fonctionner quand les «groupes vulnérables» [exploités et opprimés sous diverses formes et réprimés] ne peuvent pas être protégés, quand il y a un certain nombre de personnes en âge de travailler qui n’ont pas de travail décent. Le pays ne marche pas quand il ne peut créer que 40’000 emplois par an, ce qui signifie que quelque 60’000 jeunes Nicaraguayens et Nicaraguayennes augmentent chaque année le caractère informel, plus exactement hyper-précaire, du marché du travail. Le pays ne marche pas lorsque le régime réprime la population pour avoir revendiqué ses droits constitutionnels.

En raison du manque d’emplois, beaucoup d’enseignants, d’architectes, d’avocats, d’ingénieurs, d’administrateurs d’entreprises, etc. travaillent dans les zones franches, ils sont chauffeurs de taxi, guichetiers ou «caissiers» d’une banque, d’une assurance, d’un prétendu «service», etc. C’est la réalité que vivaient les jeunes diplômés universitaires et les jeunes en général avant le 18 avril 2018. Après le 19 avril, en raison de la répression généralisée, les conditions de vie des jeunes se sont encore détériorées.

Les crises sociopolitiques peuvent être comme des tsunamis, une faille loin de la côte peut produire un tsunami. C’est ainsi que se comporte le monde de la politique nationale, toute défaillance du système se multiplie et s’amplifie comme un tremblement de terre, qui se propage dans les différentes institutions et produit une crise sociopolitique de plus grande ampleur, par rapport à l’événement initial, en avril. (San José/Costa Rica, 2 février 2019, traduction A l’Encontre)

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