Nicaragua. Ortega et les cercles concentriques du pouvoir

Création de la CODEPAT (voir note 1)

Par notre correspondant au Costa Rica

1.- Non seulement nous sommes au bord du gouffre, mais nous traversons une crise des valeurs, de repères sans précédent depuis 40 ans; des dizaines de milliers de citoyens cherchent un moyen de survivre et de construire une alternative politique au régime inhumain qui nous mène tous vers l’abîme social et économique.

2.- Etant donné que le régime a perdu une bonne partie de sa base sociale et, par conséquent, a également perdu son pouvoir réel et sa capacité minimale de consensus, il a recours à une répression croissante pour tenter d’abolir tout mouvement social [1].

3.- La répression ne peut lui donner de légitimité, car la majorité des citoyens rejettent le régime dictatorial, mais elle garantit le maintien des cercles de pouvoir.

4.- Déterminé à cacher la réalité sociale, le régime continue de falsifier la réalité. La répression aveugle montre que le régime n’a aucun plan pour le futur du pays, si ce n’est celui de conserver le pouvoir.

5.- Ortega ne pense plus à l’histoire, il se moque de la façon dont l’histoire le qualifiera; il pense qu’il l’a déjà écrite quand il a participé à la révolution sociale de 1979; maintenant il vit dans le présent et dans l’objectif de le préserver.

6.- Il a réussi à maintenir son pouvoir en s’entourant de cercles concentriques, de murs de soutènement, de murs de protection, que l’on peut décliner ainsi:

  • Le cercle familial intime, le cercle des flatteurs et des exploiteurs. C’est à eux qu’il distribue l’essentiel du butin de l’Etat.
  • Vient ensuite le cercle des hommes politiques, des juges, des magistrats et des députés qui constituent la base et l’aura de la dite légitimité institutionnelle.
  • Puis le cercle de la force: soldats, policiers, gangs, paramilitaires et tueurs à gages à son service. Ils sont autorisés à accaparer une fraction du butin de l’Etat et du produit du trafic de drogue.
  • Enfin, le cercle des imbéciles utiles, des hommes d’affaires à courte vue qui, comme des lucioles attirées par la lumière du pouvoir, tournent autour de l’attrait procuré par quelques avantages.

Au centre de cet enfer se trouve le «grand satan», qui contrôle tout, c’est son leitmotiv, sa raison d’être.

7.- Ces cercles concentriques du pouvoir tournent autour du champ magnétique de la permanence du binôme Ortega-Murillo et sont retenus par celui-ci. Pour eux, le mantra «Ortega pour toujours» ou «le commandant doit rester» est importante.

8.- Pour cette raison, Ortega ne peut pas accepter de signer un accord quelconque, ne serait-ce que des élections transparentes anticipées, car cela briserait son contrôle sur les cercles du pouvoir.

9.- La combinaison de la négociation, de la répression et des crimes est la stratégie du régime afin de maintenir l’appui inconditionnel des cercles du pouvoir et, en même temps, un illusoire dialogue qui est un écran de fumée ou un instrument de diversion pour geler les sanctions internationales.

10.- Agir sur la base d’hypothèses n’est pas souhaitable, du moins en politique. Il n’est pas non plus acceptable d’agir selon des «scénarios possibles». Il s’agit plutôt de procéder selon des objectifs précis et concrets, c’est-à-dire d’agir conformément à une stratégie établie.

11.- La future stratégie politique d’une opposition effective doit viser à briser ces cercles de pouvoir, pour cela il est nécessaire de réactiver la lutte des mouvements sociaux et d’accroître les pressions internationales.

12.- Poursuivre les négociations sans stratégie précise et sans que les accords signés antérieurement soient respectés abouti à renforcer le régime en préservant les cercles du pouvoir. (San José/Costa Rica, 20 mai 2019; traduction A l’Encontre)

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[1] Dans ce sens, un élément «institutionnel» doit être pris en considération: l’octroi de la personnalité juridique à l’Asociación Consejo Defensores de la Patria Comandante Camilo Ortega Saavedra (CODEPAT), le 24 avril 2019, composée de militaires retraités et de membres de l’ex-service de Sûreté de l’Etat. Cette structure a pour fonction de légaliser et d’organiser les groupes de choc et les paramilitaires que le régime orteguiste a utilisés pour faire pression sur la population.

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