Brésil: paradis fiscaux et machine «tucana» à privatiser

Maluf et F. H. Cardoso

Par Altamiro Borges

Le Brésil est le quatrième pays du monde en richesses détournées vers les paradis fiscaux. [Le terme «tucana» se réfère aux partisans du Parti social-démocrate du Brésil – PSDB; le parti de l’ancien président Fernando Enrique Cardoso, de 1995 à 2003.] Cette conclusion est celle d’une recherche commandée par l’organisation Tax Justice Network qui indique dans sa récente étude qu’entre 21’000 et 32’000 milliards de dollars ont «disparu» de leurs pays d’origine par diverses initiatives ayant pour but d’échapper à l’impôt et de «blanchir» de l’argent provenant de la corruption, des divers trafics et d’autres crimes. La valeur de ces vols commis par l’élite des super-riches équivaut à la celle des PIB additionnés des Etats-Unis et du Japon.

Vol par les super-riches

L’étude a listé les vingt pays qui envoient le plus de richesses vers des paradis fiscaux. Au sommet il y a la Chine, avec 1100 milliards de dollars, suivie par la Russie avec 798 milliards, la Corée du Sud avec 798 milliards et le Brésil avec 520 milliards, ce qui correspond à plus de 1000 milliards de reais.

L’enquête, effectuée sur la base de données provenant de la Banque des règlements internationaux (BRI) – sise à Bâle (CH) –, de la Banque mondiale, du FMI et des gouvernements locaux, traite seulement de la richesse financière déposée sur les comptes des paradis fiscaux. Des biens tels que des immeubles ou des yachts n’ont pas été comptabilisés.

Selon un reportage de la chaîne anglaise BBC: «Le rapport sort juste à un moment où le public comme les politiques se préoccupent de façon croissante de la fraude et de l’évasion fiscales.» Pour James Henry, responsable de l’enquête, «les recettes fiscales perdues sont énormes. Ces sommes seraient à même de faire une différence significative dans la situation financière de beaucoup de pays.» John Christensen, directeur du Tax Justice Network, observe que l’argent soustrait par les super-riches est «plus que suffisant pour maintenir les services publics et éradiquer la pauvreté dans ces pays».

Les richards échappent aux impôts

L’étude a constaté que cent mille richards, dans l’univers des 139 pays analysés, forment à eux seuls l’élite mondiale de ceux qui dévient de l’argent vers les places offshore. Elle a également prouvé que 50 banques privées avaient transféré 12’100 milliards de dollars dans ces opérations de fait criminelles. Sous le feu des projecteurs, on trouve des géants comme UBS, Credit Suisse (CS), Goldman Sachs, JPMorgan et Citibank. Cette enquête inédite ne donne peut-être pas tous les détails que l’on voudrait, mais elle sert à démythifier certains discours tenus par les élites et donne des pistes pour de nouvelles investigations.

«Les élites n’aiment pas payer des impôts et font beaucoup de bruit sur les impôts qu’elles paient. Dans le cas du Brésil, quand je vois les riches Brésiliens se plaindre des impôts, je ne peux que croire qu’ils font du cinéma. Parce qu’il y a bien longtemps qu’ils envoient de l’argent vers les paradis fiscaux», commente John Christensen. Face à cette escroquerie commise par les richards, la récente campagne menée par des médias privés sur le thème des petits consommateurs brésiliens qui rembourseraient leurs crédits de manière indisciplinée semble être une plaisanterie ou une pure provocation.

Maluf et la bande à José Serra

A l’occasion de la publication de l’enquête menée par Tax Justice Network, cette organisation qui lutte contre les paradis fiscaux, la presse brésilienne a pointé le doigt vers l’ex-préfet [de São Paulo] Paulo Maluf. Pour des raisons purement électorales, celle-ci a découvert que Maluf… était Maluf [les «affaires» concernant ce politicien ayant occupé de très nombreuses fonctions au cours de sa longue carrière politique sont en effet nombreuses]!

De fait, l’ex-préfet doit être poursuivi et puni pour évasion fiscale et blanchiment d’argent. La semaine passée, de nouveaux indices sont apparus sur les avoirs de ce dernier sur l’île de Jersey, le fameux paradis fiscal [la plus grande des îles Anglo-Normandes]. Au cas où la piste venait à se confirmer, la presse devrait se lancer également sur d’autres pistes de recherche.

Je vous donne un bon tuyau: le livre La privataria tucana [La machine à privatiser tucana] du journaliste Amaury Ribeiro Junior.

Ce livre, que les médias ont tenté de saboter, présente une impressionnante documentation sur les fortunes qui ont été déviées vers les paradis fiscaux au cours du processus de privatisation que le pays a vécu sous le règne de Fernando Henrique Cardoso.

Ce livre appelle un chat un chat et va jusqu’à donner des numéros de comptes fleurissant sur les îles Vierges britanniques. Parmi les noms cités: Verônica Serra, fille du «tucano» José Serra [le candidat «malheureux» de l’opposition à l’élection brésilienne de 2010 face à Dilma Rousseff], Alexandre Bourgeois, gendre du «tucano» José Serra, et Ricardo Sérgio de Oliveira, ex-trésorier du «tucano» José Serra…

Des 520 milliards de dollars arrachés au Brésil pour les diriger vers les paradis fiscaux, quel est le montant que cette équipe vorace a détourné? (Traduction par A l’Encontre, article publié le 24 juillet 2012 par Correio da Cidadania)

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Altamiro Borges est journaliste.

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