Brésil. Les travailleurs du secteur pétrolier ont engagé une grève à l’échelle du pays

En grève depuis le 1er février 2020 – suite à la décision de Petrobras de fermer une usine d’engrais azotés, la Fábrica de Fertilizantes Nitrogenados (Fafen), sise à Araucária dans l’Etat de Paraná, impliquant le licenciement [1] de 396 salarié·e·s directs et de 600 indirects (sous-traitants) – les travailleurs et travailleuses du secteur pétrolier ont intensifié la pression pour que la direction de Petrobras respecte l’agenda des négociations. Le lundi 17 février, les travailleurs et travailleuses de 121 unités diverses [2] avaient rejoint la grève. Elle mobilise environ 64 % de tous les travailleurs du pétrole dans les zones opérationnelles et les filiales de Petrobras, et ceci dans 13 Etats du Brésil [3].

L’enthousiasme des travailleurs s’accroît à l’annonce de chaque nouvelle grève qui s’intègre dans la mobilisation. Dans le bassin de Solimões, où se trouvent les champs de puits terrestres (gaz naturel) de la région d’Urucu (Amazonie), les «pétroliers» ont rejoint l’appel du FUP et se sont joints à la grève dans la nuit de dimanche 16 février. En débarquant à l’aéroport de Manaus, ils ont été accueillis par la clameur: «Nous ne sommes pas à vendre».

Le bassin de Solimões (région amazonienne) est le troisième producteur de gaz naturel au Brésil, derrière seulement deux champs pré-salifères, soit de champs offshore à très grande profondeur (baptisés Lula et Búzios). Les champs d’Urucu produisent environ 14 millions de mètres cubes de gaz par jour, selon un rapport de Petrobras de décembre 2019.

La grève nationale des travailleurs du pétrole se poursuit et entre dans sa troisième semaine, avec toujours plus de force et d’adhésions, faisant pression sur la direction de Petrobras pour qu’elle suspende les licenciements à l’usine d’engrais azotés de Fafen au Parana, licenciements qui ont déjà commencé, de fait, le vendredi 14 février.

A São Paulo, les travailleurs de la centrale thermoélectrique Nova Piratininga ont rejoint le mouvement, portant à 8 le nombre de centrales en grève, ce qui équivaut à un tiers de l’ensemble du parc thermoélectrique de Petrobras.

Le week-end dernier (15-16 février), une autre plateforme de forage de Norte Fluminense (une des régions de l’Etat de Rio de Janeiro) s’est également jointe à la grève, qui s’est déjà étendue à tout le bassin de Campos. Jusqu’à présent, 36 des 39 plateformes de Petrobras de cette région ont dû transférer leurs opérations aux équipes d’assistance.

La grève est également suivie par les travailleurs de l’ensemble du parc de raffineries de Petrobras, dont les usines sont dès lors exploitées par les équipes de secours de l’entreprise: 11 raffineries, SIX (usine de schiste: Shale Industrialization Unit), Lubnor (Lubrificantes do Nordeste), AIG (Ativo Industrial de Guamaré ­– dans l’Etat de Rio Grande do Norte).

En plus de ces unités, 24 terminaux et 15 autres zones opérationnelles, qui impliquent la production et le traitement du pétrole et du gaz, participent au mouvement.

Occupations, veillée et marche de soutien à la grève le 18 février

Dans le bâtiment du siège de Petrobras, à Rio de Janeiro, depuis 18 jours est présente dans une salle du quatrième étage du bâtiment la commission permanente de négociation du FUP. Cette commission cherche à ouvrir un canal de dialogue avec la direction de Petrobras afin de trouver une solution face aux revendications des salarié·e·s.

A l’extérieur du bâtiment, sur l’Avenida Chile, la «Vígilia Resistência Petroleira» (Structure qui assure la résistance du secteur pétrolier) a obtenu le soutien et la participation active de plusieurs autres forces syndicales, d’organisations populaires, d’organisations étudiantes et de mouvements sociaux. Ce qui a abouti à la construction d’un large front de lutte pour la défense de Petrobras et contre les privatisations.

En Araucária, les travailleurs du pétrole et de la pétrochimie et leurs familles ont campé pendant 28 jours devant l’usine Fafen, résistant à la fermeture de l’unité et luttant pour annuler les licenciements annoncés par Petrobras. Ils viennent d’être bloqués par une décision du Tribunal Régional du Travail datant du 18 février (voir note 1).

La grève des travailleurs du pétrole a déjà dépassé ce secteur et s’est développée tous les jours, accompagnée par des mouvements de solidarité et de lutte dans tout le pays.

Le mardi 18 février, une grande marche nationale pour la défense de l’emploi a été organisée à Rio de Janeiro, avec la participation de caravanes de travailleurs venant de plusieurs Etats. (Article basé sur les informations données par le Correio da Cidadania et d’autres sources; traduction et édition, en date du 18 février, par la rédaction de A l’Encontre)

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[1] Le FUP (Front unique des ouvriers du pétrole) indique que ces licenciements de masse contreviennent à la convention collective signée en novembre 2019. Dans celle-ci, Petrobras a accepté de ne pas procéder à des licenciements de masse pendant cinq ans sans consultation préalable des syndicats. Les licenciements annoncés à l’usine d’engrais ont eu lieu sans que des alternatives aient été discutées au préalable avec le syndicat. La FUP affirme que l’usine d’engrais n’est pas la seule unité de Petrobras à connaître des difficultés et qu’il y a eu des licenciements et des transferts massifs de salariés dans toute l’entité Petrobras, y compris auprès de filiales et de sociétés privées qui sont liées à elle. Le gouvernement du président Jair Bolsonaro soutient la privatisation de Petrobras. Ce qui n’est pas sans lien avec le profit dégagé en 2019, un record historique, de plus de 10 milliards de dollars.

Or, en cinq ans, la compagnie pétrolière a réduit ses investissements au Brésil de 50%, ce qui a entraîné la perte de 270’000 emplois directs et sous-traités. Le 4 février, le Tribunal du travail a décidé que si les travailleurs maintiennent la grève, les grands syndicats de plus de 2000 membres, comme la FUP, seraient condamnés à une amende de 500’000 reais (116’000 dollars), tandis que les petits syndicats seraient condamnés à une amende de 250’000 reais (58’000 dollars). Le jugement impose également le retour au travail de 90% de la main-d’œuvre de Petrobras. Le FUP a indiqué qu’il maintenait la grève pour une durée indéterminée et que le soutien de la Fédération nationale des travailleurs du pétrole (FNP) avait contribué à accroître la portée de l’action. La mobilisation à l’échelle nationale contre cette criminalisation de l’action syndicale s’inscrit dans la résistance face au régime autoritaire et d’extrême droite de Jair Bolsonaro. Toutefois, le 18 février le Tribunal régional du travail (TRT) de la 9e région, le Parana – après 18 jours de grève et un mouvement de solidarité remarquable dans la conjoncture politique actuelle – a décidé que les licenciements devaient être suspendus jusqu’au 6 mars et qu’une nouvelle proposition devait être soumise au TRT par les deux parties, en abordant la question de la vente de cette filiale de Petrobras. (Réd.)

[2] En date du 17 février 2020, 21’000 travailleurs/travailleuses du secteur sont mobilisés dans 121 unités du réseau Petrobras: 58 plateformes d’extraction, 11 raffineries, 24 terminaux, 8 champs de puits terrestres, 8 centrales thermoélectriques, 3 UTGs (Unité de traitements du gaz naturel), 1 usine de biocarburants, 1 usine d’engrais, 1 usine de lubrifiants, 1 usine de traitement du schiste, 2 unités industrielles, 3 unités administratives. (Réd.)

[3] Les grèves se développent dans les Etats suivants: Amazonas, Rio Grande do Norte, Ceará, Pernambuco, Bahia, Espírito Santo, Minais Gerais, Rio de Janeiro, São Paulo, Mato Grosso do Sul, Paraná, Santa Catarina, Rio Grande do Sul. (Réd.)

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