Tunisie: texte de l’appel de l’UGTT à la grève générale du 8 février et à la journée de deuil national

Houcine Abassi, secrétaire général de l'UGTT
Houcine Abassi, secrétaire général de l’UGTT

Nous avons publié sur ce site divers documents ayant trait à l’assassinat de Chokri Belaïd, le 6 février 2013, ainsi que des reportages sur la journée du 8 février. Pour compléter cette information, nous reproduisons, traduit de l’arabe, le texte de l’appel à la grève générale (pour le 8 février) de l’UGTT (Union générale tunisienne du travail), ainsi qu’une déclaration de la Ligue de la Gauche ouvrière (LGO), membre du Front populaire, déclaration qui date, elle, du 7 février 2013.

Le samedi 9 février 2013, les jeunesses du parti islamiste Ennahda avaient appelé à une manifestation. Selon diverses sources, il apparaît que seulement quelque 3000 personnes ont battu le pavé, après les dizaines de milliers qui ont défilé le vendredi 8 février. C’est dans un contexte de profonde crise sociale et politique que ces défilés, symbolisant l’affrontement en cours, ont eu lieu.

Lors du défilé du samedi 9 février 2013 les partisans d’Ennahda ont dénoncé le projet du Premier ministre Hamadi Jebali de constituer «un gouvernement de technocrates», cela sans demander l’autorisation de l’Assemblée nationale constituante dominée par Ennahda.

Hamadi Jebali a déclaré, le 9 février 2013, à la chaîne de TV France 24: «Je présenterai l’équipe au plus tard au milieu de la semaine prochaine. Si elle est acceptée, je continuerai à assumer mes fonctions, à défaut, je demanderai au président [Moncef Marzouki, depuis décembre 2011] de chercher un autre candidat pour former un nouveau cabinet.» (Rédaction A l’Encontre)

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La Commission administrative de l’UGTT décide d’observer
une grève nationale générale pacifique toute la journée du vendredi 8 février 2013

Nous, les membres de La Commission administrative nationale de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), réunis ce 7 février 2013 de manière extraordinaire, sous la présidence du camarade Houcine Abassi, secrétaire général de l’Union, et après avoir examiné le virage dangereux que prend le pays suite à l’assassinat du militant politique et des droits humains martyr Chokri Belaïd, coordinateur général du Parti des patriotes démocrates unifié et membre de la coordination du Front populaire, et ce, après une série d’actes de violences et d’intimidations qu’ont subi les syndicalistes à travers les attaques brutales à plusieurs reprises – dont celles du 4 décembre 2012 lors de la commémoration du 60e anniversaire de l’assassinat du martyr Farhat Hached [en décembre 1952] – attaques qui ont touché toutes les composantes de la société civile et politique du pays, suite à l’incitation de plusieurs forces gouvernementales qui n’ont pas manifesté, depuis, les premiers signes de changement dans le langage de ceux qui prônent la violence, au contraire, elles ont continué à protéger les auteurs :

condamnons fermement ce crime odieux, notamment en ce qu’il ouvre la voie aux assassinats politiques dans une tentative de réduire au silence tout souffle civil libre et démocratique;

imputons au gouvernement provisoire l’entière responsabilité dans la propagation du phénomène de la violence politique et sociale et la protection de ses auteurs et l’impunité des agresseurs dans tous les crimes commis contre l’UGTT, les partis et les composantes de la société civile;

tenons à notre exigence de dissoudre les dites «ligues de protection de la révolution» [milices des forces islamistes], de traduire les criminels devant la justice et de dévoiler les marchands d’armes et les milices qui se cachent derrière eux;

décidons de considérer le 6 février de chaque année une occasion nationale pour rejeter la violence politique, comme l’a réclamé le martyr de la liberté et de la patrie Chokri Belaïd;

appelons toutes les composantes de la société civile et politique démocratique à accélérer la convocation du deuxième Congrès national pour le dialogue, auquel a appelé l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) afin d’unir davantage toutes les forces démocratiques contre tous les projets qui menacent les valeurs civiques et les acquis de la République et minent l’esprit de tolérance, d’ouverture et de s’accrocher à l’identité qui caractérise tous les Tunisiens de toutes les générations;

considérons le 8 février 2013, une journée de deuil national pour le défunt martyr de la Tunisie Chokri Belaïd et appelons à l’organisation de funérailles nationales auxquelles prendront part toutes les Tunisiennes et tous les Tunisiens et les forces démocratiques du pays;

exigeons d’arrêter les assaillants au plus vite et de les traduire devant la justice et de dévoiler les parties qui se tiennent derrière eux;

et devant les dangers qui menacent le pays et risquent de le glisser vers une guerre civile et de porter une attaque à la liberté et à la sécurité des Tunisiens et à leur révolution, nous avons décidé d’appeler les travailleurs à observer une grève générale nationale pacifique toute la journée du vendredi 8 février 2013;

appelons les forces armées et de sécurité à assumer leurs responsabilités dans le maintien de la sécurité et la protection des Tunisiens, comme nous appelons tous les Tunisiennes et Tunisiens à continuer à faire preuve d’un grand patriotisme et se limiter à la protestation pacifique et civilisée. Le secrétaire général de l’UGTT, Houcine Abassi

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Gloire au leader martyr Chokri Belaïd
Enterrons le gouvernement et l’Assemblée Ennahda.
Que les masses populaires imposent leur pouvoir!

Le sang du camarade martyr Chokri Belaïd a attisé le feu de la révolution et le lâche assassinat politique a poussé les masses populaires à descendre, depuis les premières minutes de son martyr, dans la rue de toutes les régions du pays. Et ce pour exiger le départ du gouvernement Ennahda, chasser ses gouverneurs et délégués et faire chuter le régime autoritaire à la solde de l’impérialisme et toutes ses institutions, en particulier l’Assemblée constituante.

Après avoir perdu toute légitimité politique, le gouvernement Ennahda se retrouve dans un état d’affolement. Même la présumée légitimité électorale qu’il a utilisée depuis les élections pour donner à son pouvoir un appui juridique et politique n’est plus convaincante pour les larges masses et les composantes de la société politique et civile.

La répression criminelle dont a fait preuve le gouvernement Jabali-Marzouki envers les protestations liées à l’assassinat dans toute la Tunisie, surtout lors du passage du convoi funèbre de notre camarade martyr Chokri Belaïd sur l’avenue Habib Bourguiba, est un échantillon sur le degré de criminalité de ce gouvernement et son engagement sécuritaire répressif.

Cet assassinat a été une occasion de plus pour lever le voile sur ce gouvernement et son échec dans la gestion de sa crise, ce qui l’a poussé à essayer de contenir cette crise en proposant un gouvernement de technocrates. Une «solution» devenue source de conflit entre un chef de gouvernement terroriste et un président du mouvement Ennahda assassin. C’est ce qui confirme la politique de partage des rôles à laquelle le gouvernement Ennahda nous a habitués.

L’appel émis par le Front populaire en accord avec un groupe des forces démocratiques, d’associations et d’organisations nationales et les partis d’opposition pour faire une grève générale nationale – qui a été adopté par l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) par le biais de sa Commission administrative nationale, aujourd’hui 7 février, suite à l’assassinat du camarade martyr – confirme, une fois de plus, que l’UGTT n’est pas seulement un refuge du peuple, mais aussi un espace et une position qui encadrent le peuple révolté dans sa résistance et dans sa lutte contre toutes les formes de tyrannie, afin de parvenir à la liberté, à la démocratie et à la répartition équitable de la richesse.

La grève générale nationale attendue ce 8 février 2013 se fera un contexte politique révolutionnaire qui ouvrira la voie aux masses populaires insurgées et à toutes les forces révolutionnaires et nationales et à celles de la société civile, notamment le Front populaire, pour jeter à la poubelle de l’histoire le gouvernement et l’Assemblée des islamistes obscurantistes [Assemble constituante], ennemis de la liberté. Cela dans la perspective de former un gouvernement à caractère national populaire qui œuvre pour la réalisation des tâches de la révolution et la satisfaction des aspirations socio-économiques et politiques.

• Que la grève générale nationale soit le dernier clou dans le cercueil du gouvernement du «contournement» [de la révolution] et la clique de criminels qui l’entretient.

• Que cette grève nationale soit une occasion pour instaurer le pouvoir du peuple à travers la mise en place d’un gouvernement social et démocratique autour de l’UGTT ainsi que du Front populaire et des associations juridiques, des droits de l’Homme et des partis démocratiques.

• Que cette grève nationale soit un début révolutionnaire pour former des conseils de gouvernorat et de collectivité pour gérer les affaires publiques.

• Que cette grève générale soit une journée par laquelle les masses de notre peuple honorent le camarade martyr Chokri Belaïd en imposant une alternative socio-économique révolutionnaire à la hauteur des slogans du processus révolutionnaire et des attentes des masses populaires. Ligue de la Gauche ouvrière (LGO), Tunis, 7 février 2013

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