Tunisie. A propos des protestations dans le sud-est de la Tunisie

imageDéclaration du Front populaire

Le 11 février 2015, le quotidien La Presse de Tunisie donnait le compte rendu suivant de la «Grève générale et de la reprise des affrontements» dans le sud-est de la Tunisie: «Pour la deuxième semaine consécutive, les habitants poursuivent les protestations pour revendiquer le développement et demander l’annulation de la taxe imposée. Les différentes activités économiques, commerciales et éducatives ont été totalement paralysées, hier, dans la délégation de Ben Guerdane (gouvernorat de Médenine), à l’exception des laboratoires d’analyse médicale, des pharmacies, du service des urgences et de celui des dialyses. Cette situation est la conséquence de la grève générale observée à l’appel de l’Union locale du travail (ULT) de Ben Guerdane, avec le soutien de l’Union locale de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Ulica) et de l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche (Utap). Elle entre dans le cadre du mouvement de protestation qui se poursuit dans la région, pour la deuxième semaine consécutive, afin de revendiquer le développement et l’annulation de la taxe sur le départ des Libyens [1] qui quittent le pays…

Une marche populaire pacifique a été, en outre, organisée avec la participation d’un nombre important de citoyens. Ils ont scandé des slogans appelant à annuler la taxe de 30 dinars (pour les Libyens), à faciliter les procédures douanières et à considérer le poste-frontière comme un complément pour le développement et non un substitut. Ils ont, aussi, appelé à réactiver les projets publics et privés en suspens dans la zone et à équiper l’hôpital régional d’un scanner. Toutefois, malgré le caractère pacifique de la marche, des participants se sont dirigés vers la place du Grand Maghreb Arabe de la ville, ont brûlé des pneus et lancé des pierres, faisant déraper la situation vers des affrontements avec les forces de l’ordre qui ont fait usage de gaz lacrymogène pour éloigner les manifestants.

D’après l’ULT, la grève a été suivie à 99%, sans qu’il n’y ait, toutefois, aucune réponse aux revendications des protestataires… [Ces derniers] ont indiqué qu’ils sont attachés à la poursuite de leur mouvement, le considérant comme «une révolution des affamés et une étincelle pour une nouvelle révolution qui cherche à rendre à la zone ses richesses spoliées et sa part du développement et des recettes du passage frontalier de Ras Jédir».

Nous publions ci-dessous la déclaration du Front populaire à propos de cette mobilisation qui traduit une des facettes de la situation socio-économique et politique en Tunisie.

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Les villes de Dhehiba et Ben Guerdane vivent depuis quelques jours une large tension populaire en raison de l’escalade sécuritaire contre les manifestations.

Celles-ci demandent :

• La suppression de la taxe de 30 dinars décidée par le gouvernement;

• L’annulation de la décision de fermer la frontière avec la Libye qui rend impossible la poursuite des échanges commerciaux entre les deux pays. Cette activité est en effet l’unique source de subsistance d’habitants des régions du Sud-Est et est indispensable à leur survie.

Les forces de sécurité ont répondu aux manifestations pacifiques par un recours inacceptable à la force. Il a commencé par l’utilisation des gaz lacrymogènes et s’est poursuivi par des tirs à balles réelles ayant entraîné la mort du jeune Saber Baouche et causé des blessures graves à plusieurs autres manifestants.

Les habitants de Dhehiba ont alors répondu par l’élargissement du mouvement de protestation (marches dans les villes de Tataouine et de Ben Guerdane) poussant certains manifestants jusqu’à incendier des postes de police et quelques institutions.

On assiste simultanément à :

•  une détérioration croissante de la situation dans la région;

• une absence d’esprit de dialogue responsable chez les autorités locales et nationales pour dénouer la tension sociale dans plusieurs parties de la région de Tataouine, ainsi que dans les zones de contact avec les frontières de la Libye;

• une absence de vision claire des autorités ainsi que d’aptitude à écouter la population de la région;

• une incapacité des autorités à prendre immédiatement des mesures de nature à apporter des solutions.

Dans ce contexte, le Front populaire :

• présente ses condoléances à la famille de la victime Saber Baouche, ainsi que sa compassion envers toutes les familles des blessés dans ces événements tragiques;

• condamne l’utilisation des tirs à balles réelles et toutes les formes de répression brutale face à des revendications sociales légitimes et des protestations pacifiques;

• appelle le gouvernement et les appareils sécuritaires de l’Etat à cesser immédiatement leurs méthodes de répression par la force face aux revendications sociales légitimes;

• appelle à ouvrir une enquête urgente pour dévoiler la vérité sur la mort du jeune Saber Baouche;

Le Front populaire rappelle que les méthodes utilisées ne feront qu’aggraver la situation,et que le gouvernement doit accélérer la mise en œuvre d’un plan de développement d’urgence pour ces régions.

Le Front populaire appelle les autorités locales, régionales et centrales à ne pas mettre en jeu la sécurité des Tunisiens et des Tunisiennes.

Le Front appelle surtout à garantir l’essentiel d’une vie décente, pour que le citoyen soit le vrai capital et le premier partenaire efficace pour faire face aux dangers et complots sérieux, en premier lieu le terrorisme qui trouve dans la marginalisation, l’exclusion, le chômage, l’appauvrissement, l’oppression et la corruption le terreau propice à son développement.

Non aux solutions sécuritaires face aux problèmes sociaux !

Non au désengagement des autorités face à leur responsabilité de développer les régions et assurer la sécurité des citoyens et leur protection. (Tunis 10 février 2015; traduction, Rafik Khalfaoui)

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[1] Il s’agit d’une taxe de sortie du territoire tunisien fixée à 30 dinars et applicable aux personnes non-résidentes en Tunisie. Celle-ci vise, dans le cas présent, essentiellement les Libyens (NdT).

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