Algérie. 51e vendredi de mobilisation: inusable détermination

Par Abdelghani Aïchoun

Le dispositif sécuritaire mis en place à Algers a été pratiquement le même que celui des toutes dernières semaines avec une présence tout aussi marquée au niveau de la Grande Poste et du boulevard Asselah Hocine. Vers 17h, les policiers sont intervenus pour mettre fin à la marche. Des manifestants ont été tabassés.

La mobilisation a été au rendez-vous, hier, à l’occasion du 51e vendredi de la contestation, et à quelques jours de l’anniversaire premier du Hirak. A Alger, et comme d’habitude, ils étaient nombreux à rejoindre le centre-ville afin de faire entendre leur voix réclamant un état démocratique. En plus des groupes qui se sont constitués avant midi, notamment sur la rue Didouche Mourad, la manifestation a connu deux grosses marches, l’une venant de Belcourt et l’autre de Bab El Oued. C’est cette dernière, et comme c’est le cas depuis plusieurs semaines, qui est la plus imposante et spectaculaire.

En plus des slogans habituels, relatifs à un «état civil, non militaire», à la «légitimité populaire» ou dénonçant l’élection présidentielle du 12 décembre dernier, les marcheurs ont réclamé la libération des détenus d’opinion. A cet effet, un hommage particulier a été rendu à «Khalti Baya», Baya Dahmani de son vrai nom, qui prend part régulièrement aux manifestations du Hirak et qui a été arrêtée la semaine passée près de la place Audin avant qu’elle ne soit «abandonnée» aux environs de Zeralda, à l’Ouest d’Alger. «Allah Akbar, Khalti Baya», ont scandé les manifestants. Le fait aussi que des policiers lui auraient «confisqué» son médicament, le Tramadol, a été évoqué par les manifestant·e·s.

Par ailleurs, les portraits de plusieurs détenus, à l’image de Tabou, Boumala ou encore l’étudiante Ogadi, de Tlemcen, ont été brandis lors de cette marche. «Atalkou el massadjin, mabaouche el cocaïne» (Libérez les détenus, ils n’ont pas vendu de la cocaïne – allusion au fils d’Abdelmadjid Tebboune, Khaled pris dans une affaire de cocaïne en 2018), ont crié les marcheurs en signe de solidarité.

Les détenus politiques n’ont jamais été oubliés par les manifestants du vendredi et du mardi depuis leurs arrestations. La libération, il y a quelques jours, du militant Samir Belarbi, a été perçue, à cet effet, comme une victoire. Et celui-ci a pris part, hier, à la marche de la capitale. L’avocat Abdelghani Badi a d’ailleurs fait état de son interpellation alors qu’il se dirigeait, à la fin de la marche, chez lui.

Par ailleurs, ils ont été nombreux, hier, à porter les portraits de Benyoucef Benkhedda, deuxième président du GPRA (Gouvernement provisoire de la république algérienne), décédé le 4 février 2003 et Hamid Ferhi, coordinateur du MDS (Mouvement démocratique et social) décédé le 5 février 2019. Un manifestant a brandi une pancarte sur laquelle figure le portrait de Benkhedda avec une de ses citations: «L’armée est au service de la nation. Ce qui veut dire qu’elle est sous l’autorité directe du gouvernement qui représente la légitimité populaire».

Bien évidemment, les Algériens ont, une nouvelle fois, scandé des slogans relatifs aux revendications démocratiques et s’en prenant à la présidentielle du 12 décembre. «Tebboune mzawar djabouh laasker» (Tebboune illégitime, il a été ramené par les militaires), ont-ils crié ou encore «yasqot nidham, dawla ouled lehram» (A bas le régime, un état voyou).

Le secteur de la justice a été également pointé du doigt avec une critique acerbe envers le ministre de la Justice, Belkacem Zeghmati. «Zeghmati lel harrach, djibouh djibouh» (Zeghmati à El Harrach, ramenez), ont-ils scandé avant de lancer: «Win rahi l’adala win rah el qanoun» (Où est la justice, où est le droit). D’autres slogans ou chants habituels du hirak ont également été entonnés par les milliers de manifestants. On peut citer : «Dawla madania machi askaria» (Un état civil, non militaire) ou encore «Qolna issaba trouh, ya hna ya ntouma» (On a dit la bande doit partir, ou bien c’est nous ou bien c’est vous).

En tout cas, à quelques jours de l’anniversaire premier du hirak, qui a débuté le 22 février, ce 51e vendredi a tenu ses promesses en terme du maintien de la mobilisation. Ils étaient nombreux les manifestants qui se sont projetés déjà dans cette perspective, pronostiquant sur un 53e vendredi spectaculaire.

A noter, en dernier lieu, que le dispositif sécuritaire mis en place a été pratiquement le même que celui des toutes dernières semaines avec une présence tout aussi marquée au niveau de la Grande Poste et du boulevard Asselah Hocine. Vers 17h, les policiers sont intervenus pour mettre fin à la marche. Des manifestants ont été tabassés. (Article paru dans El Watan en date du 8 février 2020)

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